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VILNIUS 2019

Richard Billingham • Réalisateur de Ray & Liz

"Je vois un peu ce film comme une histoire d'amour"

par 

- Cineuropa a interrogé l'artiste nominé pour le Turner Prize Richard Billingham sur son film Ray & Liz, élu meilleur film européen au 24e Festival de Vilnius

Richard Billingham  • Réalisateur de Ray & Liz

Le drame autobiographique Ray & Liz [+lire aussi :
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de Richard Billingham, élu meilleur premier film européen au 24e Festival de Vilnius pour le tableau "net, puissant et humain qu'il trace d'une famille, d'un endroit et d'une époque, filmé avec précision et un humour noir troublant", montre le réalisateur tandis qu'il évoque de nouveau feux ses parents, après sa célèbre série de photos Ray’s a Laugh. Le film est un récit honnête de leur lutte contre l'alcoolisme et la pauvreté, mais il offre aussi de rares éclats de lumière. 

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Cineuropa : Cet "humour noir troublant" dont a parlé le jury à Vilnius pourrait ne pas être décelé par beaucoup de spectateurs. Avez-vous trouvé que c'est un élément que les gens remarquent ?
Richard Billingham :
À vrai dire, je n'ai pas fait exprès d'insérer de l'humour là-dedans. Je pense qu'il s'est ancré dans le film parce que je voulais réaliser une oeuvre authentique, or les communautés pauvres et privées de droits ont souvent un sens de l'humour très développé et évolué. C'est leur manière de survivre. Ces derniers temps, je photographie des sans-abris, or quand quelque chose de terrible arrive dans leur vie, ils en plaisantent. S'ils n'arrivaient pas à trouver ce genre de sens dans leur vie de tous les jours, ils sombreraient dans la dépression. 

Ceci explique pourquoi la série de photographies que vous avez réalisée en 1996 s'appelait Ray’s a Laugh. Vous avez aussi réalisé un documentaire sur vos parents, quelques années plus tard [Fishtank]. Pensez-vous avoir fait le tour du sujet ?
Je pense. Il y a d'autres idées que j'ai envie d'explorer, bien que mon petit frère Jason, qui est dans le film, souhaite que j'écrive davantage sur le sujet [rires]. Je le voit un peu comme une histoire d'amour. Mes parents ont eu beaucoup d'obstacles à surmonter, et je pense qu'ils ont essayé de leur mieux. Mon père avait à peu près mon âge quand il a perdu son travail. Il ne savait probablement pas si bien que ça lire et écrire. Il était convaincu qu'il ferait la même chose jusqu'à l'âge de 65 ans, mais quand le gouvernement a changé et que Thatcher est arrivée au pouvoir, elle a fermé tant d'usines qu'une foule de travailleurs ont été licenciés. Mon père ne savait pas quoi faire, il n'a pas su faire face. 

En voyant votre film, les gens pourraient se demander s'ils seraient capables, eux, de recréer chaque détail de leur enfance avec une telle précision. Cela paraît peu probable.
Je ne me souviens pas de tous les détails, mais je me rappelle la manière dont les meubles étaient disposés et la dynamique spatiale de ces pièces, avec leurs différentes textures et couleurs. Vous connaissez le photographe Jeff Wall ? Toutes ses photos sont mises en scène, mais on dirait des images documentaires. J'ai été fasciné par son travail. C'est très vraisemblant, quand on regarde les photos, et j'aime la tension qu'on y sent – car parfois, la composition d'une seule de ces photos peut avoir pris six mois ! C'est presque comme si la position de chaque objet dans l'espace était rattachée à une histoire. Je pense qu'étudier tout cela m'a vraiment aidé à concevoir mes plans dans le film, parce qu'on a essayé de tourner dans les lieux mêmes où l'histoire s'est passée et j'avais beaucoup de photos. Pour les dialogues, j'avais un enregistreur que vous pouvez aussi voir dans le film. J'ai encore les cassettes où j'avais filmé mes amis et ma famille, de sorte que j'ai pu les jouer pour les acteurs.

À chaque fois qu'on est en intérieur, c'est très étouffant. On dirait que le simple fait de sortir de ce logement rend les garçons (c'est-à-dire vos frères et vous) heureux.
Les espaces étaient très petits, mais c'est comme ça que c'était. Je montre des animaux dans les cages dans le film. Il se peut qu'il y ait une certaine symétrie avec les personnages, car ces derniers ne peuvent pas non plus voir en dehors de leur environnement immédiat. J'ai beaucoup de souvenirs heureux de ma petite enfance mais quand on a déménagé dans une tour, dans une cité, on s'est retrouvés très malheureux. C'était comme d'habiter dans le ciel, complètement coupés des gens restés sur le sol. Il n'y avait pas d'autre famille, pas d'autres enfants avec qui jouer ; nous étions tellement isolés. En sortant de l'appartement, on voyait les murs du couloir couverts de graffitis racistes ; il y avait des excréments dans les ascenseurs ; toutes les fenêtres étaient brisées. Une fois dans l'appartement, il faut reconnaître que ce n'était pas si horrible que ça. C'est le parcours qui nous séparait du monde extérieur qui était rude.

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(Traduit de l'anglais)

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