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Andreï Zviaguintsev • Réalisateur

“Il faut regarder dans la direction opposée pour voir ce qu'il y a de l'autre côté"

par 

- Andreï Zviaguintsev, invité pour faire cours à Qumra, nous a rencontré à Doha pour parler de son travail et de la manière dont il reflète la société russe

Andreï Zviaguintsev  • Réalisateur
Andreï Zviaguintsev pendant sa masterclasse à Qumra

Un des "Masters" de la 4e édition de Qumra, qui s'est tenue du 9 au 14 mars à Doha, au Qatar, était le cinéaste russe encensé Andreï Zviaguintsev. Il a donné une des masterclasses de l'événement le 13 mars, en utilisant comme point de départ son dernier film, Faute d'amour [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Andreï Zviaguintsev
fiche film
]
. Cineuropa l'a rencontré pour un entretien rapide mais fouillé sur son travail, la manière dont il reflète la société russe, ses espoirs de changement et le sens de l'amour.

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Cineuropa : On a le sentiment que votre travail reflète bel et bien un  monde où l'amour manque cruellement, notamment votre dernier, Faute d'amour, mais les films qui ont précédé aussi. On sent de la cruauté, un manque d'empathie, en particulier en Russie. 
Andreï Zviaguintsev :
Je ne vois pas l'absence d'amour comme un dénominateur commun dans mon travail. Au contraire, surtout si on parle de Faute d'amour en particulier, l'idée est qu'il est parfois nécessaire de regarder dans la direction opposée pour voir ce qu'il y a de l'autre côté : c'est ce que j'ai essayé de communiquer dans ce film. C'est exactement comme quand on se sert d'un arc : il faut tirer la corde dans la direction opposée à celle où la flèche doit partir. J'avais besoin de peindre ce tableau de fond qui est le contraire de ce dont le film semble parler. Je crois que le dispositif a fonctionné, notamment en Russie : des spectateurs ont dit que tout de suite après avoir vu Faute d'amour, ils ont eu le réflexe de chercher leur téléphone pour appeler leur famille et leur proches, pour s'assurer qu'ils allaient bien. Faute d'amour est en fait un film sur l'amour. Il est extrêmement important de ne pas se contenter de regarder ce qui apparaît à l'écran, mais de ressentir, vraiment, ce que le film laisse dans votre esprit et votre coeur. 

Est-il permis de supposer que ce propos sur l'amour a aussi un sens socio-politique, au-delà du niveau personnel ?
J'aime autant ne pas extrapoler mon propos sur le plan politique. Ce serait extrêmement ambitieux de ma part que de prétendre représenter une population de 145 millions de personnes parce que la Russie est très diversifiée, très grande et très polarisée, en particulier socialement. Ainsi, dans mes films, je ne peux pas juger, juste projeter mon point de vue personnel. Comme je ne suis pas journaliste, et donc qu'il n'est pas de mon rôle d'essayer de commenter objectivement les événements (quoique les médias sont souvent hautement subjectifs dans leur manière de véhiculer l'information), j'aime autant tâcher de m'exprimer en tant qu'artiste, donc dans un dessein complètement différent. À travers la perpective intense qui est la mienne, j'essaie d'amplifier les messages que je veux faire passer et de me concentrer sur le noeud du problème. Ce que j'essaie d'accomplir, sur le plan créatif, c'est de grossir un événement partiel mais très spécifique et à travers lui, d'observer le problème auquel il renvoie à plus grande échelle, mais bien sûr, mon travail ne peut pas pour autant être utilisé comme un témoignage sur toute une société.

Avez-vous encore l'espoir qu'un changement se produira ? 
La Russie est un pays où une quantité d'habitants débordent d'amour, et d'ouverture et de puissance créatrice. Ils se sentent un but : celui de contribuer au changement au niveau social. Faute d'amour est aussi un film sur le regain de sens civique et de sens de la responsabilité, qui est la réponse des gens à l'indifférence totale du pouvoir et des institutions. Les gens se mettent de plus en plus à prendre sur eux et à agir en conséquence. Le groupe de bénévoles qu'on voit par exemple dans le film est une manifestation des puissantes vagues d'amour et de créativité qui viennent s'écraser contre les forces de police impuissantes. Ces gens sont en train de construire une conscience sociale.

Peut-on dire que Faute d'amour est aussi un portrait de la génération qui est en train de vivre cette montée en force de la conscience sociale dans la Russie d'aujourd'hui ? 
Il serait immature d'utiliser mon film comme une sorte d'illustration ou de tableau de l'état du pays. Il n'est que ma tentative de donner au spectateur la possibilité de réfléchir sur lui-même. Pas besoin de se référer en particulier à la Russie ou de chercher des parallèles au sujet. Je parle avant tout de la nature humaine, que l'histoire se passe dans une démocratie européenne prospère ou dans une société totalitaire pour des raisons politiques ou religieuses. Mon film n'est qu'un témoignage. Certes, c'est un film russe par un cinéaste russe, tourné avec une troupe et une équipe russes dans la langue russe, mais il parle de la nature humaine en général, du moins je l'espère !

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(Traduit de l'anglais)

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