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Radu Jude • Réalisateur

"Un film qui invoque le passé doit aussi questionner la fonction de représentation du cinéma"

par 

- Coeurs cicatrisés de Radu Jude, lauréat du Prix spécial du jury cet été à Locarno, arrive dans les cinémas roumains le 18 novembre

Radu Jude  • Réalisateur
(© Festival del film Locarno / Marco Abram)

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, décoré de l’Ours d’argent de la mise en scène à Berlin, Radu Jude revient de nouveau sur une période de l’Histoire rarement explorée par le cinéma roumain : les années 1930, que Coeurs cicatrisés [+lire aussi :
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observe à travers le regard d’un jeune juif atteint de tuberculose osseuse. Cineuropa a interrogé le réalisateur sur ce film.

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Cineuropa : Qu’est-ce qui vous a décidé à adapter le livre de Max Blecher ?
Radu Jude : Cela s’est fait en plusieurs temps. J’ai découvert Max Blecher au lycée et me suis remis à le relire il y a quatre ans, quand mon ami Dan Nicolaescu, de la Librairie Anthony Frost, m’a donné l’idée d’adapter Coeurs cicatrisés. Ce n’est toutefois qu’après avoir lu ses autres livres que je me suis rendu compte qu’il y avait un film à faire à partir de toute son oeuvre, dont j’ai gardé des récits et des idées, quelques dialogues et des images. Surtout que vue de notre présent, la fin des années 1930 est une période qui mérite d’être explorée. Dans mon film, elle ne sert que de toile de fond à l’intrigue, mais c’est une toile de fond capitale. En somme, on pourrait décrire le film comme la rencontre du roman de Max Blecher et de l’ouvrage The ‘30s. The Romanian Far-Right de l’historien Z. Ornea, qui est une analyse de l’émergence des extrémismes politiques en Roumanie. Quant à ce qui m’a attiré dans le travail de Blecher, c’est son regard très particulier sur la vie, la sensibilité singulière qu’on y trouve et sa poésie. Je suis impressionné par le courage, la dignité et l’absence de sentimentalisme avec lesquels il a affronté sa longue agonie.

Vous faites partie des rares réalisateurs roumains qui se montrent disposés à découvrir des nouveaux talents. Comment avez-vous trouvé Lucian Teodor Rus et qu’est-ce qui vous a convaincu de lui proposer son premier rôle principal dans un film ?
Nous avons organisé des auditions classiques et j’ai choisi Lucian parce que je l’ai trouvé tout à fait adapté pour ce que j’avais à l’esprit. Je n’ai hélas pas d’incroyable anecdote sur la question.

Dans Cineuropa, Coeurs cicatrisés a été décrit comme "une invitation à ressentir de la compassion". Est-ce bien la réaction que vous attendez du public ?
Pour moi, le film est un véhicule qui me permet d’avancer des idées et d’en discuter. Cela n’exclut pas qu’on puisse ressentir de la compassion, ou d’autres émotions, mais je ne les tiens pas pour essentielles. Les spectateurs sont libres de réagir comme ils veulent au film.

Quels sont les avantages du genre film historique ? Est-il plaisant de faire le jour sur des faits peu connus ?
Je ne sais pas si le cinéma est le meilleur médium pour révéler des faits historiques méconnus, cet aspect de la chose ne m’intéresse pas – surtout que je ne suis pas historien. Et puis je ne suis pas sûr de savoir ce que les gens entendent par “film historique”. En matière de films qui évoquent le passé, l’éventail de ce qui peut être fait est immense, de la production hollywoodienne aux films de Jean-Marie Straub et Danielle Huillet et même aux émissions télévisées comme Rome et L’Autobiographie de Nicolae Ceauşescu [+lire aussi :
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d’Andrei Ujică, sans oublier l’infinie multitude de films de propagande de toutes sortes qui existent. Je pense qu’un film qui invoque le passé doit aussi contenir un propos sur la fonction de représentation du cinéma – la représentation étant le grand problème des historiens, puisqu’ils ne peuvent accéder au passé qu’à travers ses différentes représentations...

Votre prochain film va se plonger dans l’Odessa de 1941, quand l’armée roumaine a exécuté des milliers de juifs. Quelle difficulté ce projet va-t-il poser avant tout ?
Exactement celle dont je viens de parler, d’ailleurs le film interrogera le relativisme épistémologique et la relation entre art et Histoire, ainsi que le bien-fondé de l’art engagé. C’est du moins mon intention pour le moment, mais je ne sais pas ce qui va en rester en définitive. 

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(Traduit de l'anglais)

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