email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Simon Jaquemet • Réalisateur

“La violence est le dernier tabou”

par 

- Cineuropa a rencontré le réalisateur suisse Simon Jaquemet, qui a impressionné et fasciné le public avec son premier long-métrage, War, un film sur la rage, le désir et la liberté

Simon Jaquemet  • Réalisateur

Cineuropa: Dans War [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Simon Jaquemet
fiche film
]
, le sujet de la violence en général et de la violence chez les adolescents en particulier est abordé d'une manière tout à fait inattendue, sans tabous, avec beaucoup de lucidité. La violence est-elle un sujet qui vous touche personnellement? D'où pensez-vous que vient cette colère chez les jeunes?

Simon Jaquemet: Je n'ai pas eu une jeunesse particulièrement violente. Je me suis déjà battu, oui, mais rien de grave. Je traînais souvent avec des skateurs et des fans de hip hop, dont certains, assez fous, étaient proches des personnages de mon film. J'étais fasciné par ces jeunes qui semblent ne connaître aucune loi. Quand j'étais adolescent, j'ai fait quelques crises de colère soudaines. On appelle ça Jähzorn en allemand. Ça ne m'arrive plus maintenant que je suis adulte, ou du moins cela ne conduit pas à de la violence physique, mais plus à des rêves de violence assez élaborés. Je suppose que c'est de là qu'est venue l'envie de faire ce film, pour gérer mes propres rêves de violence, qui m'effraient mais me fascinent aussi. Je pense que la violence et la capacité de faire le mal se retrouvent au coeur de chaque être humain. Je trouve que dans nos pays extrêmement développés, la possibilité de se rebeller est tellement mince que chaque étincelle de révolte et de culture jeune qui se fait jour est immédiatement réabsorbée par le monde du commerce. Le modèle de vie que la société propose est, en gros, de trouver un emploi ennuyeux et sans intérêt et de devenir un bon consommateur. Pour les jeunes, et pour les adultes qui n'ont pas envie d'être totalement assimilés dans cette réalité, l'impression qui en résulte est celle de se battre contre des moulins à vent ou d'enfoncer des portes ouvertes. Tout est très compliqué, on ne sait plus vraiment où est l'ennemi. La violence est le dernier tabou. Je pense que la rébellion adolescente n'est pas quelque chose qui est imposé aux jeunes mais quelque chose de profondément humain qui est toujours déjà là, prêt à faire irruption quand les circonstances s'y prêtent. Mon film explore ce sujet d'un point de vue très personnel qui est proposé à l'audience sans qu'une leçon de morale correspondante ne le complète. L'idée est plus de bousculer que de confirmer.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Votre film parle de sujets universels –  la colère, la convoitise, le désir –, alors que le paysage autour des personnages est typiquement suisse. Pourquoi avez-vous choisi ce décor?
J'aime bien les décors de montagnes. Visuellement, ils sont extrêmement intéressants. Bien sûr, les montagnes m'intéressent plus comme un horizon lointain, vaste et dangereux que pour le côté kitsch qu'elles peuvent aussi avoir. Quand on est en montagne, on se rend compte qu'on vit vraiment sur une planète. Je voulais utiliser les montagnes dans une fonction différente que comme espace innocent où on peut trouver l'apaisement et la guérison.

Dans War, les acteurs sont vraiment intenses : violents et émotifs, facilement susceptibles. Qui sont ces acteurs ? Comment avez-vous travaillé avec eux?
Les jeunes sont tous des non-professionnels à l'exception d'Ella, qui joue Ali. Elle avait déjà de l'expérience et maintenant, elle est dans une école d'art dramatique. Les autres sont de vrais jeunes que j'ai rencontré dans la rue ou par des gens que je connais. Nous avons fait beaucoup d'auditions avec la directrice de casting Lisa Olah. Nous avons dû voir près de 1000 adolescents. J'ai rencontré Benji, qui joue Matteo, à la gare, où les jeunes traînent souvent, et il avait déjà l'allure qu'a le personnage au début du film. Nous avons rencontré Sascha (Dion) derrière le bâtiment où se trouve la société de production. Il y a souvent des gamins dans ce coin, le soir. Ste (Anton) nous a trouvé via une association. Il a vécu dans sa jeune vie beaucoup plus de choses que la plupart d'entre nous n'en vivront dans toute leur existence. C'est pour cela qu'il n'a pas voulu révéler le reste de son nom. Livia Reinhardt, qui joue la mère de Matteo, et Ernst Sigrist, qui joue Hanspeter, sont des acteurs professionnels. En revanche, John Leuppi, le père, n'est pas un professionnel. J'ai travaillé avec eux comme on travaille avec des non-professionnels, et ça s'est très bien passé. Nous avions déjà répété pendant le casting et, avant le tournage, nous avons consacré trois semaines aux répétitions, pour travailler sur les personnages, dire des scènes et apprendre à se connaître. Avec Ella, nous avons beaucoup répété, car elle devait vraiment se transformer pour devenir Ali. Nous avons créé un rituel pendant les répétitions : quand nous lui avons coupé les cheveux, nous les avons jetés au feu. Nous avons tourné la plupart des scènes dans l'ordre chronologique et pendant le tournage, j'ai essayé de rendre les scènes aussi réalistes que possible, pour que les jeunes soient en immersion. J'ai aussi ménagé des surprises, et des premières fois à chaud.

Quelles ont été vos influences pour ce film?
La première a sans doute été Kids de Larry Clark, que j'ai vu quand j'étais adolescent et qui m'a fait forte impression, devenant pour moi une sorte de référence. J'ai aussi puisé dans Menace 2 Society, La Haine, les films de skate de Spike Jonze et les films les plus récents de Larry Clark et Harmony Korine. Quand j'étais jeune, j'ai aussi lu des livres comme Sa majesté des mouches et Orange mécanique.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy