email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Isabel Coixet • Réalisatrice

"Le cinéma m'intéresse en tant qu’aventure et apprentissage"

par 

- L’auteur de The Secret Life of Words (4 Goyas en 2006) dévoile à Berlin, Yesterday Never Ends, son film le plus amer, le plus critique et le plus risqué

Cineuropa : Cela vous plaisait de vous embarquer avec Yesterday Never Ends [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Isabel Coixet
interview : Isabel Coixet
interview : Javier Camara
fiche film
]
dans un projet intime à plus petite échelle que son prédécesseur Carte des sons de Tokyo [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
?

Isabel Coixet : À vrai dire, oui. Je suis une touche-à-tout. Je peux tourner un film avec une grosse équipe ou bien avec une équipe réduite où tout le monde se connait et sait comment chacun fonctionne pour avoir déjà travaillé ensemble et abordé certaines questions. De plus, je voulais mettre l’accent sur le travail d’interprétation des deux acteurs (Candela Peña et Javier Cámara) : cela me faisait très envie. Mais je viens de terminer le tournage du thriller Panda Eyes qui n'a absolument rien à voir, et je vais commencer un autre film, qui se déroulera au Pôle Nord et qui sera également complètement différent. Le cinéma m'intéresse en tant qu’aventure et apprentissage.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

C’est pour cette raison que vous avez aussi produit ce film vous-même ? Pour garder une liberté totale ?
Oui, je l'ai financé avec ma société de production, Miss Wasabi, en coproduction avec A Contracorriente Films qui s’occupe surtout de ce que nous, les cinéastes, oublions parfois : la distribution, l'exploitation en salles et la promotion. Je suis perdue dans le monde de la finance, des banques et des aides. Par rapport au type de film dont il s’agit et à son sujet , une méga-production et des subventions n’auraient pas de sens. donc nous avons fait sans.

Est-ce que vous avez beaucoup avec les deux uniques acteurs ?
Oui, et cela a tourné au psychodrame. Chacun défendait son personnages en fonction de son propre monde et de son point de vue. Nous avons eu des discussions relatives à certains moments-clés du film au cours desquelles des choses fondamentales, de base, sont abordées : ce qu’ils pensent de la vie, de la douleur, de la manière de contrôler la souffrance... Le tournage fut un vrai marathon pendant près de trois semaines.

Est-ce votre film le plus expérimental et le plus critique sur le plan social ?
Je voulais poser constamment la question de la vie que nous vivons. Candela dit "Nous sommes à Gotham city et chaque jour, lorsque nous nous réveillons, les nouvelles sont encore pires et nous espérons que quelqu’un viendra nous sauver, Batman, peut-être ?" Ce qui se passe est tellement tragique que seule une puissance supérieure pourrait changer cela : une espèce de tourbillon, de régénération morale qui nous sortirait de ce marasme. Je n’ai pas de thèse là-dessus, je n’ai à offrir que ma perplexité et celle de beaucoup de personnes qui pourraient s’identifier : nous sommes comme des zombies attendant de voir ce qui va se passer.

Le personnage de Candela prononce une autre phrase terrible : "Je ne sais plus ce qui est normal".
Si on nous avait annoncé il y a dix ans ce qui se passe en ce moment, nous aurions cru cela impossible. Tout peut arriver. Moi non plus je ne sais plus ce qui est normal.

Un autre des aspects de la crise que dénonce Candela est la perte de nos rêves et de nos espoirs.
C’est vrai, c’est comme si nous étions plongés dans un brouillard épais et que nous nous rendions compte qu’en faisant un petit saut ou en nous mettant sur la pointe des pieds, nous nous apercevrions qu’il s’arrête au niveau de notre tête, pas plus loin. Certes, nous avons moins d’argent et tout va mal mais nous pouvons apprendre à tourner la tête et à changer de direction. Pourtant nous continuons à avancer dans l’obscurité et dans le brouillard, et moi la première.

Le film présente également une alternative face à la crise : rester en Espagne ou partir à l’étranger.
Ce sont des décisions qui appartiennent à chacun. Certaines personnes peuvent partir, elles sont parées pour cela et n’ont pas de peine à le faire, et d’autres s’en font tout un monde. Je connais quelqu’un qui était allé au collège avec moi et qui travaillait dans une maison d’édition, qui a vécu trois mois dans sa voiture. Ce n’est pas une réalité parallèle, elle est bien là et nous en faisons partie. En même temps, je connais certaines personnes qui se mobilisent grâce à des petites actions, et ainsi naît la solidarité : des personnes qui prennent conscience de ce qui se passe et qui réfléchissent à la manière de changer les choses.

Puisqu’on parle de changer les choses, vous allez également participer à une réunion de femmes cinéastes à Berlin.
Oui, une réunion de la EWA (European Women Audiovisual Network – réseau européen des femmes de l’audiovisuel). Je suis la présidente d’honneur ou quelque chose comme cela et nous allons parler de ce que nous pouvons faire, de notre visibilité et de toutes ces choses dont c’est à nous, les femmes, de parler car sinon personne ne le fera.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy