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Miguel Gomes • Réalisateur

Le “Paradis” et le “Paradis perdu”

- Après la Quinzaine des réalisateurs 2008 avec Ce cher mois d'août, le réalisateur portugais a présenté son 3ème long, Tabou, en compétition à la Berlinale 2012 où le film a été primé.

Après avoir fait parler de lui à Cannes en 2008 avec Ce cher mois d'août [+lire aussi :
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, le réalisateur portugais Miguel Gomes a créé l'événement avec son troisième long métrage, Tabou [+lire aussi :
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interview : Miguel Gomes
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, en compétition à la 62ème Berlinale où le film a été primé. Voici des extraits de la conférence de presse.

Quelle a été l'influence sur Tabou du cinéma muet allemand, notamment de Murnau ?
Miguel Gomes : Je ne cherche généralement pas à citer des films ; c'est après qu'il s'avère qu'ils doivent être quelque part dans mon inconscient. Plus jeune, j'ai profité d'un cycle Murnau diffusé sur notre télévision publique – ce qui serait aujourd'hui inconcevable. Le but, dans ce film, était de ne pas citer des films de Murnau en particulier. Je voulais raconter l'histoire pour elle-même. Je ne voulais pas m'enfermer ou exclure les gens qui n'auraient pas vu les références. Pour ce qui est de Murnau, je pense que c'était un grand cinéaste et que si on a un coeur, on ne peut pas ne pas être touché par ses films.

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Dans Tabou, vous jouez avec l'exotisme tel qu'il était présenté dans les années 1930, mais tout en proposant une sorte d’idéalisation de cet exotisme, vous critiquez le colonialisme. Pourquoi cette opposition ?
Colonialisme et exotisme peuvent co-exister. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de montrer le bon exemple et d'essayer de démontrer que le colonialisme est une mauvaise chose. On n'est pas obligé de partir de ce genre de thèse. Quand je travaillais sur le film, j'ai rencontré des gens qui faisaient partie d'un groupe au Mozambique. Ils m'ont dit qu'ils restaient très proches de leur pays et ont fait des commentaires avec lesquels je n'étais pas du tout d'accord sur le plan politique, mais ils ont aussi décrit ce qu'ils avaient vécu là-bas, et cela m'a fortement bouleversé. Cela dit, on peut avoir ce genre de réaction émotive d'où qu'on soit et quel que soit le régime politique qu'on ait connu. Je crois qu'il y a certaines choses qui sont typiquement rattachées à la jeunesse. C'est une des raisons de la structure du film. Mon film parle de la vieillesse ainsi que de la jeunesse. Il parle de solitude et à l'inverse, de la possibilité de l'amour. Comme dans de nombreux films muets (y compris ceux de Murnau), le mien dessine une contraste fort, une dichotomie entre "Paradis" et "Paradis perdu". C'est cette opposition-là que je voulais établir. Dans la deuxième partie, il y a une histoire d'amour et la chronique d'une époque. On peut condamner implicitement la société de l'époque et le régime colonial. La grossesse qui survient symbolise la bombe démographique qui est sur le point d'exploser. Les événements du film sont en cours de développement, ils traversent plusieurs étapes jusqu'à ce que les choses trouvent leur conclusion naturelle. On peut dire ça du colonialisme comme de l'histoire d'amour, qui est condamnée à l'échec…

Comment avez-vous dirigé vos acteurs ?
Nous avons travaillé de manières différentes pour la première et la deuxième partie. Pour la première partie, nous avions un script et avons répété plusieurs mois. Pour la deuxième, nous avons eu l'idée très amusante de mettre le scénario de côté. Je remercie tout spécialement les acteurs de la deuxième partie parce que leur travail a été assez ingrat. Ils avaient en gros la trame de ce qui se passait, ils savaient qu'il y avait une histoire d'amour et une espèce de crocodile romantique, ils savaient comment l'histoire allait se terminer, mais ils ne savaient pas exactement ce qu'ils faisaient. Cela demande beaucoup de confiance, de générosité et de dévouement, d'accepter cela. De temps en temps, on leur a demandé des choses qui ont dû leur sembler absurdes.

Cela fait beaucoup d'histoires pour un seul film : celle du colonialisme, l'histoire d'amour, le thème de la religion... S'il fallait citer un thème principal, quel serait-il ?
Je n'aime pas les idées centrales. Le point de départ de l'histoire vient de quelqu'un de ma famille, qui m'a parlé d'une vieille femme excédée par sa gouvernante parce qu'elle trouvait qu'elle se mêlait trop de sa vie. Cela ne semble pas matière à faire un roman ou un film, c'est très quotidien, et je voulais que ce ton se retrouve dans le film. Quand les gens rationnalisent trop et se concentrent sur les idées, ils en viennent à dire "pas besoin d'une scène de film pour démontrer cette idée", parce qu'il s'agit d'une construction rationnelle. Cette démarche ne m'intéresse pas. Pour moi, la structure des films est plus naturelle que cela.

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