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FRANCE

Pierre-Emmanuel Le Goff • Fondateur associé, La Vingt-Cinquième Heure

"Par ces temps de crise, notre système permet aux exploitants de maintenir le lien social avec leur public"

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- Rencontre avec Pierre-Emmanuel Le Goff, fondateur associé de La Vingt-Cinquième Heure, qui a lancé un dispositif innovant pour maintenir des salles de cinéma en activité malgré la pandémie

Pierre-Emmanuel Le Goff  • Fondateur associé, La Vingt-Cinquième Heure

En plein confinement, La Vingt-Cinquième Heure déclare "ré-ouvrir" des cinémas en France. Cette société (dont les activités vont de la production documentaire à la VR, en passant par la distribution classique) vient d’ajouter une corde à son arc : le e-cinéma. Un service de diffusion en ligne qui se distingue de la VoD en proposant un modèle adapté aux salles indépendantes et aux œuvres art-et-essai. Rencontre avec le fondateur associé Pierre-Emmanuel Le Goff pour parler du sujet.

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Cineuropa : Parlez-nous de votre proposition.
Pierre-Emmanuel Le Goff : Il ne s’agit pas d’une plateforme de diffusion comme Netflix ou Amazon. Contrairement à la vidéo à la demande, notre offre n’est pas pléthorique. Chez nous, les films sortent en salles comme avant. Nous parlons directement à des exploitants qui mènent un travail de programmation ciblé sur leur clientèle habituelle, avec des horaires de projection précises. Nous recréons une salle de cinéma virtuelle, sorte d’avatar du lieu existant, et celle-ci est géolocalisée : seules les personnes situées dans un périmètre variant de 5 à 50 km peuvent y accéder. Notre catalogue compte des œuvres récentes dont les plans de sortie ont été interrompus ou compromis par la crise.

Quels sont les retours du public et des professionnels ?
Depuis le lancement, je suis toute la journée au téléphone avec les distributeurs et les exploitants. C’est comme si rien n’avait changé : je reçois des centaines d'emails pour caler des séances et négocier des zones de périmètre de géolocalisation. Les partenariats sont pensés en fonction des réalités locales. Et les retours enthousiastes du public se multiplient. En cette période de confinement, les gens se réjouissent de la réouverture des salles où ils avaient leurs habitudes. Après chaque séance, ils peuvent comme avant poser des questions en direct aux réalisateurs. Nos films mobilisent d’autant plus qu’ils traitent de questions sociétales : le mouvement espagnol “Podemos” dans En política [+lire aussi :
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de Penda Houzangbe et Jean-Gabriel Tregoat, la démocratie participative avec Les Grands Voisins [+lire aussi :
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de Bastien Simon. La fermeture des salles a été perçue par les professionnels comme un grand coup sur la tête. Notre modèle peut aider les indépendants. À ceux qui se demandent s’ils doivent reporter les sorties des films prévus ce printemps, nous leur répondons que ce n’est pas une solution : la priorité est de continuer à alimenter les spectateurs.

Combien de films avez-vous sortis de cette façon et quels sont les résultats d'audience ?
Les Grands Voisins a vendu 3 500 entrées au niveau national. Pour Pâques, nous avons organisé 7 séances-événements de La Passion du Christ avec la participation de Mel Gibson qui ont rassemblé 2 000 tickets. La moyenne est de 2.5 personnes par écran, soit un total de 10 000 spectateurs pour ces deux opérations. En política a également reçu une large couverture de presse, et par exemple, le cinéma Le Méliès de Montreuil a vendu beaucoup de tickets pour ce titre.

Quels sont les profils et les attentes des distributeurs faisant appel à vos services ?
La plupart sont membres du Syndicat des Distributeurs Indépendants. Pour l’instant, 22 sociétés collaborent avec nous. Leurs films ont besoin d’être accompagnés par un travail de fond, des séances-débats organisées avec des partenaires associatifs. Nous travaillons aussi avec Eurozoom. Ou de plus gros joueurs comme StudioCanal qui détient les droits de SamSam [+lire aussi :
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réalisé par Tanguy de Kermel. Ce film d’animation a connu quelques jours d’exploitation en février interrompus par le Covid-19. Il a donc obtenu une dérogation du CNC pour sortir en VoD. Mais en complément, StudioCanal a voulu tester notre formule hybride.

Quelles sont les attentes des exploitants avec qui vous collaborez ?
Économiquement, l’équation peut être payante. Le partage des recettes entre le distributeur et l’exploitant demeure. Le cinéma L’Arvor à Rennes a fait une séance suivie d’un débat en ligne : 269 tickets payants à 6 Euros ont été vendus, alors que sa salle comptait 250 places. Quand on fait plus d’entrées dématérialisées qu’en physique, cela signifie qu’il existe un modèle économique à travailler. Les personnes qui n’ont en temps normal pas accès aux cinémas peuvent désormais acheter des billets : les barrières sont levées. Par ces temps de crise, notre système permet aux exploitants de maintenir le lien social avec leur public, d’offrir des moments de partages et de discussions. Aucune plateforme VoD ne propose vraiment ce petit miracle de l’échange et de construction intellectuelle autour d’un sujet.

Comment le CNC réagit à votre offre ?
Dès la fermeture généralisée, j’ai contacté le CNC qui n’a pas répondu depuis. Trois semaines plus tard, résultats à l’appui, je pense être capable de démontrer que le système est crédible. 150 salles nous accompagnent, et nous avons un line-up de 50 films à disposition : le potentiel est riche. Lydia Khoudri, qui joue dans Papicha [+lire aussi :
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de Mounia Meddour et a remporté le César du Meilleur espoir, a participé à nos débats dématérialisés. Hubert Reeves accompagne le documentaire québécois La terre vue du cœur de Iolande Cadrin-Rossignol. Tout ceci est attractif. Cela peut permettre que le secteur ne soit pas "sous perfusion" ou tributaire du bon-vouloir des aides gouvernementales qui ne sont pas la solution magique. Il faut être proactif : notre proposition n’est pas celle d’une salle de cinéma à proprement parler, mais elle se fait avec la salle. La Vingt-Cinquième Heure fait appel à la connaissance directe qu’à l’exploitant de son public et des médias locaux. Ce travail sur-mesure répond à la réalité du cinéma d’auteur. Je pense que la VoD aujourd’hui est pour une bonne partie du marché un "miroir aux alouettes". Certes les plateformes explosent, mais il faut analyser les chiffres en finesse : le fossé entre les films art-et-essai et les grosses productions se creuse davantage. Les indépendants qui se laissent tenter peuvent finir par le regretter.

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