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BELGIQUE

Olivier van den Broek • Distributeur, The Searchers

“En cette période compliquée, c’est formidable de voir que la qualité continue de vendre"

par 

- Cineuropa a interrogé Olivier van den Broek, de The Searchers, pour discuter de son catalogue et de la manière dont sa société aborde la crise de la pandémie du Covid-19

Olivier van den Broek  • Distributeur, The Searchers

Cineuropa a interrogé Olivier van den Broek, co-fondateur et directeur de la société de distribution The Searchers, pour discuter de son catalogue et de la manière dont sa société aborde la crise de la pandémie du Covid-19

Cineuropa : Qu'est-ce qui vous a amené à lancer votre propre société de distribution et quelle est votre politique éditoriale ?
Olivier van den Broek :
Nous avons fondé The Searchers en 2015, après avoir travaillé comme consultant en achats pour une société plus petite. À l’époque, nous avions l’impression que les distributeurs de cinéma d’auteur s’adressaient nettement à une audience vieillissante, et que des films importants pour la jeune génération ne trouvaient pas de distribution. Un film comme Whiplash, qui lancé la carrière de Damien Chazelle comme réalisateur, n'était pas exactement adapté à ce que voulaient les distributeurs de films d'auteurs, mais il n'avait pas non plus d'acteurs assez connus pour aller du côté du cinéma grand public. La même chose vaut pour Nightcrawler. Ces films ont finalement trouvé une distribution dans le cadre d’un contrat multi-territoires avec un studio, l'idée étant de se concentrer d’abord sur leur valeur complémentaire, pas sur la projection dans les salles. Nous avons décidé de nous concentrer sur des films réalisés par de jeunes metteurs en scène qui se seraient autrement retrouvés dans ce genre de situation. Les premières années, nous avons eu pas mal de succès avec des films comme Comancheria, Wind River [+lire aussi :
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ou A Beautiful Day [+lire aussi :
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. Ensuite, nous avons établi des partenariats avec de plus grosses entreprises, comme STX Entertainment, qui nous a aidés à évoluer et à avoir plus d’impact sur le marché, ce qui nous a permis de défendre de plus petits films. Une de nos prochaines sorties est Promising Young Woman d'Emerald Fennell. Je pense que c’est un très bon exemple de film qui se démarque et c’est là-dessus que nous nous concentrons vraiment : frayer le chemin pour des films revigorants par rapport à l’expérience d’aller au cinéma.

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Quelles sont les challenges et les avantages qui se présentent quand on travaille sur un marché multi-territoires ?
Je pense que la taille du Benelux en fait un territoire très intéressant. Il est assez grand pour compter, mais il requiert des investissements significatifs. Cela dit, la diversité de ce territoire est à la fois la plus grosse difficulté qu'il présente et une opportunité. Les Pays-Bas sont très différents de la Belgique, et même à l’intérieur de la Belgique, il y a une grande différence entre la Flandre et la Wallonie, qui sont comme deux pays différents sur le plan culturel, donc il est difficile de trouver des films attrayants pour l'ensemble du marché. Les Pays-Bas sont traditionnellement plus proches de la culture anglo-saxonne, et de fait, les films en anglais ont plus de succès là-bas. Le marché des salles s'y porte en outre très bien, dans les multiplexes comme les cinémas d’art et d'essai. Il est assez remarquable de voir que pour ce qui est des films s'adressant à des publics ciblés, le Benelux peut réaliser des scores supérieurs à ceux enregistrés en Allemagne, en valeur absolue. De l’autre côté, la Belgique est plus sous l’influence française, ce qui fait que c’est un territoire un peu plus traditionnel.

Comment abordez-vous la situation actuelle, avec la pandémie ?
Nous dépendons vraiment des revenus dans les salles, donc c’est un gros problème pour nous. Sous l'angle positif, il est clair qu’il y a un énorme appétit de divertissement du côté du public. C’est une question d’être capable de s’adapter et de tirer profit de la situation. Dernièrement, nous avons été très actifs sur la vente de films à des services de streaming ou des chaînes, et c’est là qu’on se rend compte que la chose la plus importante, c’est vraiment la qualité du catalogue qu'on propose. Je pense que c’est quelque chose qu’il faut prendre en compte en tant qu’industrie. À une époque où les choses sont si difficiles, car une partie de nos revenus sont repoussés à plus tard, c’est formidable de voir que la qualité continue de vendre.

Comment se partagent les revenus, entre les différents canaux de diffusion ? Comment ça évolue ?
La distribution en salle génère environ 40% de nos revenus, et les 50 à 60 % qui restent viennent principalement de la télévision payante, des chaînes gratuites et des plateformes de vidéo par abonnement. Notre objectif, c’est de couvrir tout le Benelux au niveau des salles, de sorte que 90% de nos titres sont achetés pour les cinémas avant tout. Cependant, nous sommes très proches des chaînes depuis un certain temps et en ce moment, nous travaillons avec des plateformes comme Amazon et Netflix, distribuant certains de leurs films en salle. Quant à la différence entre les pays, les plateformes fonctionnent beaucoup mieux aux Pays-Bas qu’en Belgique, qui est un pays un peu plus complexe du fait de l’influence française et de la structure de la chronologie des médias qui s’applique en France. Les distributeurs français doivent conserver les droits pour le streaming pendant trois ans, ce qui met aussi le streaming en Belgique (français) en suspens. Ça dévalue énormément le potentiel des films en Wallonie à l'ère du streaming. Si un film ne sort pas dans les salles en France, alors la chronologie des médias légale ne s’applique plus, et nous pouvons être plus flexibles et créatifs. Paradoxalement, ceci augmente pour nous la valeur des films français qui n'ont pas été faits pour les salles par rapport à ceux qui doivent sortir au cinéma, ce qui n’a aucun sens. Je pense que c’est une grande leçon à apprendre de la crise sanitaire actuelle : la flexibilité est cruciale, et la chronologie des médias imposée légalement est un reliquat du passé .

Quel a été votre plus grand succès jusqu’ici ?
Je suis un grand fan des westerns, d’où le nom de la société. Traditionnellement, le western n’est pas un genre qu’on devrait acheter en tant que distributeur européen, mais Comancheria, Wind River ou encore Les Frères Sisters [+lire aussi :
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ont très bien fonctionné. Au lieu d"indiquer une campagne comme étaint "la plus réussie", je pense qu’être capable d’obtenir de bons résultats régulièrement, avec des films qui, sur le papier, sont un peu à contre-courant, a été notre plus grande réussite. Songez à I, Tonya (sur les sports américains) ou The Big Sick (un film indé américain sans acteur connu). Le fait que notre équipe soit capable de surmonter ces challenges liés au marketing, pour s'assurer qu’il y a un jeune public disposé à regarder nos films. C’est quelque chose que nous devons aussi faire avec les exploitants : leur montrer que la voie de l’avenir n’est pas nécessairement la plus conventionnelle, et peut-être même que c’est tout le contraire.

Qu’est-ce qui vous donne votre élan pour continuer de travailler dans la distribution ?
Je vais vous donner un exemple clair. Il y a trois ans, nous avons signé un contrat à Cannes pour The Irishman de Martin Scorsese. C’était de loin le plus gros contrat que nous ayons jamais signé. Finalement, le financement du film s’est écroulé et il a fini par être acheté pour le monde par Netflix, qui avait à l’époque déclaré la guerre au cinéma. Si, à ce moment-là, vous m’aviez dit que deux ans après, nous sortirions ce film dans les salles à la demande de Netflix, ça m’aurait paru fou. Ceci permet de montrer à quelle vitesse les choses ont changé en 24 mois. Pour quelqu'un qui se lasse facilement, c’est un formidable métier que la distribution, parce qu’on doit rester très éveillé. C’est important, d’avoir une bonne perception de ce qui se passe dans le monde, mais aussi de la manière dont les choses ont évolué. Je pense que c’est une énorme motivation.

Comment imaginez-vous le futur ?
Je pense que le contenu lui-même et la qualité de la narration sera plus au cœur du succès. Le futur va favoriser les réalisateurs et producteurs qui sont disposés à prendre des décisions intrépides et à livrer du vrai divertissement. Il ne faut jamais sous-estimer la valeur de la qualité. Je ne dis pas que chaque bon film va être un succès, mais si on a un bon produit qui prend son public au sérieux, on a déjà deux pas d’avance. Aucune campagne de marketing ne peut sauver un film qui manque de créativité. Je ne partage pas l’opinion selon laquelle les gens ne sortent que pour voir des gros titres et les films Marvel. L’expérience n’est pas nécessairement l’équivalent d’une production à 200 millions ; il peut aussi s'agir d'un film beaucoup plus modeste qui offre une expérience collective amusante. Penser au public féminin venant en groupes regarder Queens l’année dernière. Ou prenez le succès d’un film choral un peu différent comme A couteaux tirés. Il y a très peu de limites si on présente quelque chose qui est unique et qui mise clairement sur un public spécifique. Je pense que c’est vraiment une question de comprendre quel type de matériel on a dans les mains et d’apprécier la valeur artistique comme une composante du succès commercial.

En collaboration avec

 

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(Traduit de l'anglais)

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