Pilotant désormais la société berlinoise Intaglio Films associant Beta Film et ZDF, le producteur de Game of Thrones et Rome, évoque ses projets européens et sa méthode de travail

Un moment du débat avec Frank Doelger au Séries Mania Forum (© Séries Mania Forum)

Célèbre figure de l’industrie américaine puisqu’il a œuvré sur Rome, John Adams et Game of Thrones, le producteur Frank Doelger travaille maintenant en Europe sur des projets de séries internationales en langue anglaise initiés à travers la structure berlinoise Intaglio Films (joint-venture de Beta Film et ZDF Enterprises – lire la news). Il a évoqué ses projets en cours (les séries The Swarm, Concordia et Doing Good) et partagé quelques leçons de son expérience des deux côtés de l’Atlantique auprès des professionnels venus l’écouter à Séries Mania Forum (news), le volet professionnel du Festival Séries Mania.

The Swarm (lire l’article) est désormais en post-production et l’objectif est une première mondiale à la Berlinale 2023, une discussion étant aussi déjà engagée pour une saison 2. Questionné sur l’impact sur son travail du nombre copieux de partenaires (ZDF, France Télévisions, RAI, ORF, SRF, Nordic Entertainment Group NENT, Hulu Japon du côté des diffuseurs et en production avec Intaglio, ndF International Production, Schwarm TV Productions, Bravado Fiction et Viola Film), Frank Doelger a admis avoir été "au départ, un peu préoccupé car je n’avais pas eu l’habitude de tant de partenaires dans mon travail pour HBO ou BBC. Mais j’ai découvert rapidement que tous ces partenaires étaient non seulement compétents, mais surtout raisonnables. Ils ont de l’expérience et ils savent bien que le processus créatif a besoin de son espace propre. Il y a beaucoup de respect mutuel et j’ai donc navigué pour apporter des réponses à leurs différentes questions et suggestions, mais ils ont surtout adhéré à nos choix les plus importants."

Car ce qui est essentiel aux yeux du producteur américain et néo-berlinois, c’est de rester ouvert et que le projet soit toujours fluide : pouvoir entrer en production sans scénario totalement verrouillé, se donner la possibilité d’insérer des dialogues additionnels, savoir que des scènes finiront probablement à la poubelle, etc. "Même si on est en pré-production, on doit pouvoir s’adapter, surtout dans un monde où les choses peuvent changer très vite. Dans le scénario initial de The Swarm par exemple, il y avait une société en quête de nouveaux gisements de pétrole et du gaz. Nous allions commencer à tourner et j’ai lu un article sur l’exploitation minière des fonds en eaux profondes, une activité qui soulève beaucoup de débats scientifiques et environnementaux et qui sera une question très médiatisée l’an prochain afin de réussir au moins à freiner ce phénomène. Donc nous avons complètement récrit le scénario dans cette direction."

Frank Doelger compte aussi deux autres projets en développement : Concordia qui se déroule dans un futur proche autour d’une communauté ayant utilisé une technologie d’intelligence artificielle afin de créer une société plus juste et plus sûre. L’expérience étant un grand succès puisque cette utopie a permis d'accueillir en toute sécurité des migrants et des milliers de réfugiés en quête d'une vie meilleure, des pays du monde entier se rapprochent des fondateurs pour en savoir plus, mais les apparences sont trompeuses et cachent un sombre secret… Le tournage débutera en septembre prochain.

Le second projet Intaglio Films en développement est Doing Good dont l’intrigue plonge à l’intersection entre les associations de défense des droits de l’homme et les services secrets, autour de trois personnages principaux (le directeur d’une grande ONG, son officier traitante de la CIA, et la jeune femme qui les relie) et traite de la complexité morale conflictuelle d’essayer de faire le bien dans un monde malsain sans pour autant devenir soi-même mauvais. Premier clap en février 2023.

Sur le boum actuel des séries, Frank Doelger a souligné que ce qui primordial à ses yeux, c’est "d’avoir des projets qui puissent sortir des pages Spectacles. Car c’est super d’avoir de très bonnes critiques, mais il faut surtout des histoires à partir desquelles les journalistes puissent traiter d’autres sujets : politiques, sociaux, etc. Ce sont par excellence des projets qui sont davantage caractérisés par leur dimension internationale que par le cast par exemple."

Il s’est également réjoui "qu’il n’y ait plus seulement une liste A, une liste B et une liste C pour les talents, scénaristes, réalisateurs et acteurs, mais une incroyable profondeur de ressources : il y a tant de travail que cela ouvre les portes à des vrais talents dont on aurait dit auparavant qu’ils n’avaient pas assez d’expérience. S’y ajoute l’extrême diversité des castings qui est maintenant possible, et d’ailleurs aussi réclamée car elle reflète la réalité du monde : ceci est un énorme bénéfice pour l’émergence de nouveaux talents."