email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Série Series 2016: Let’s Talk About Commissioning

par 

- Une discussion concernant la collaboration dans le coin de la diffusion publique

Série Series 2016: Let’s Talk About Commissioning

(© Sylvain Bardin & Philippe Cabaret)

(Intervenants : Katrine Vogelsang (directrice de la fiction, TV2, Danemark), Tone C. Rønning (productrice et responsable des coproductions internationales, NRK, Norvège), Sylvie Coquart (scénariste, France), Jeppe Gjervig Gram (scénariste, Danemark), Christian Wikander (directeur de la fiction, SVT, Suède), Will Sharpe (scénariste, réalisateur et acteur, Royaume-Uni). Animé par : Séverine Jacquet (responsable unité fiction, RTBF, Belgique)

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cette année, la session ‘’Let’s talk about commissioning’’ prend la forme d’une discussion où plusieurs chaînes invitées, publiques ou privées, échangent avec des créateurs afin de mieux appréhender les différentes voies de collaboration aujourd’hui en vigueur en Europe et interroger les relations parfois complexes entre la création et la diffusion.

Sélectionner un projet de série

Pour ouvrir ce débat, Séverine Jacquet questionne le rôle du diffuseur dans la création et plus particulièrement les moyens qu’il met en œuvre pour choisir un projet de séries. Récemment, elle a rencontré un responsable de fiction de la chaîne américaine Showtime. Celui-ci lui a expliqué qu’un diffuseur ne devait jamais faire appel directement à un auteur ou à un producteur pour initier un nouveau projet de série. Bien au contraire, une chaîne doit attendre que les projets viennent à elle.

Katrine Vogelsang doute que Showtime soit l’exemple le plus parlant. La chaîne américaine a accès à tous les plus grands talents mondiaux et son profil éditorial lui permet de prendre tous les risques. Pour sa part, elle n’hésite pas à recevoir les créateurs pour qu’ils lui présentent de nouveaux projets de séries. Un directeur de fiction doit toujours être à l’écoute de nouvelles propositions. Toutefois, il a également un rôle de garant de la ligne éditoriale de la chaîne et se doit, à ce titre, de définir un cadre précis, que ce soit en termes d’audience, de ton ou de format (les épisodes des séries diffusées sur TV2 ont une durée maximale de 42 minutes, par exemple), dans lequel le créateur pourra s’exprimer le plus librement possible. Quel que soit le projet, le créateur doit, dans les limites du cadre fixé, se sentir propriétaire de la série. ‘’Je ne vais pas écrire la série, ce n’est pas mon rôle, et j’ai donc besoin de trouver quelqu’un, un créateur ou un scénariste, qui soit le gardien de l’ADN de la série’’, précise-t-elle.

En tant que scénariste, Jeppe Gjervig Gram se sent beaucoup plus à l’aise lorsqu’un directeur de fiction a une vision claire de sa stratégie éditoriale. Bien sûr, les créateurs ont besoin de liberté pour s’exprimer, mais ‘’la liberté totale n’est pas un but en soi’’. Les chaînes de télévision ont des règles auxquelles les créateurs doivent se conformer. En tant qu’auteur, Jeppe Gjervig Gram a besoin de connaître, au-delà des questions de format, quels sont les objectifs du diffuseur. Il collabore depuis plusieurs années avec DR, le groupe de radio-télévision publique du Danemark. Tous les projets développés au sein des chaînes du groupe doivent avoir un contenu social, refléter la société danoise telle qu’elle est aujourd’hui. ‘’Si je présente au directeur de la fiction de DR un projet pour une série de pur divertissement, je sais qu’il sera rejeté’’. En revanche, Jeppe Gjervig Gram savait d’instinct que son dernier projet – Follow The Money (une série dont l’action se déroule dans le milieu de la finance) – avait toute sa place dans la ligne éditoriale d’une chaîne publique.

Pour Tone C. Rønning, cette dimension sociale doit faire partie intégrante de la stratégie d’une chaîne. Elle convient qu’il lui serait très facile d’attendre patiemment dans son bureau que des créateurs viennent lui proposer de nouveaux projets. Mais le directeur de la fiction d’une chaîne du service public a la responsabilité d’être proactif. L’une des principales difficultés à laquelle est confrontée aujourd’hui NRK est le manque de représentation des diversités culturelles qui composent la société norvégienne. Une partie de la population, notamment les immigrés, n’est pas représentée à la télévision. Pourtant, une œuvre télévisuelle se doit d’être un reflet de la société et donc de s’adresser à toutes les couches qui la composent. Tone C. Rønning s’est donc donné pour mission de donner une voix aux populations immigrantes. ‘’Certes, des progrès ont été enregistrés en la matière, mais cela reste insuffisant’’.

Christian Wikander abonde dans son sens. Lorsqu’il rédige une note de développement, il s’interdit autant que possible de proposer des solutions à l’auteur ; ce qui serait alors perçu comme une forme d’ingérence dans le processus créatif. ‘’Une note de développement n’est pas une injonction’’. Il faut toujours, dans les commentaires, revenir aux prémices du projet, au concept d’origine.

Pour Tone C. Rønning, le processus des notes de développement doit être taillé sur mesure, en fonction du projet. Les jeunes scénaristes, par exemple, sont plus ‘’fragiles’’ et le rôle du directeur de la fiction est souvent de les encourager. Les scénaristes plus expérimentés peuvent être assez arrogants et ont tendance à être trop sûrs d’euxmêmes. Le diffuseur doit donc trouver une autre façon de communiquer avec eux. On ne peut donc pas appliquer un modèle unique à tous les cas. Par ailleurs, Tone C. Rønning insiste sur la nécessité de définir le processus de communication entre diffuseur, producteur et auteur en amont du développement (et de réévaluer ce processus tout au long du développement).

Sylvie Coquart a créé, voire coproduit six séries. Elle assure n’avoir jamais reçu de note de développement de la part des diffuseurs. Malheureusement, tout du moins en France, les diffuseurs et les scénaristes ne collaborent pas et leur interaction relève plutôt d’une relation du type « maître et disciple ». Paradoxalement, il est souvent demandé au scénariste de prendre et d’assumer tous les risques ! Toutefois, Sylvie Coquart fait observer que l’apparition du système des showrunners en France a permis d’améliorer les rapports entre auteurs et diffuseurs. Ainsi les relations qui peuvent être tissées entre une chaîne et un showrunner sont beaucoup plus équilibrées.

Le tournage

Pendant le tournage, le concept de la série est confié au réalisateur, chargé de le mettre en image. Interrogé sur la participation du réalisateur, Christian Wikander précise que s’il n’est pas l’auteur de la série, il doit intervenir uniquement une fois le projet totalement stabilisé. S’agissant plus particulièrement de la Suède, il rappelle que le pays a une longue tradition de cinéma d’auteur (la Suède est le pays d’Ingmar Bergman). Pendant longtemps, les réalisateurs avaient tout le pouvoir. L’apparition des séries a changé quelque peu la donne.

Will Sharpe constate qu’effectivement, au cinéma, ‘’le réalisateur est mis sur un piédestal’’. Il est considéré bien souvent comme le seul et unique auteur du film, le scénariste étant relégué à un rôle secondaire. Inversement, dans les séries, le pouvoir est confié aux scénaristes tandis que le réalisateur est au service de la vision de l’auteur et du producteur. Pour Will Sharpe, ces deux extrêmes sont ridicules.

Quoi qu’il en soit, la relation entre le réalisateur et le créateur varie en fonction du projet. Certains scénaristes ont besoin d’avoir une relation forte avec le réalisateur qui doit, d’une certaine manière, être co-créateur du projet, souligne Will Sharpe. Les aspects purement visuels d’une série peuvent influencer fortement la narration ou les dialogues. Plus généralement, les rapports de force doivent être laissés de côté. Une série est un travail collectif et toutes les parties prenantes (que ce soit les diffuseurs, les scénaristes, les producteurs, les réalisateurs ou les monteurs) doivent collaborer pour développer une vision unique.

Jeppe Gjervig Gram indique que sur Follow The Money, la chaîne lui a offert la possibilité, en tant que créateur de la série, de choisir les réalisateurs qui participeraient à l’aventure. Tous les choix ont été bien évidemment validés par le directeur de la fiction.

Séverine Jacquet imagine volontiers que, pendant le tournage, le rôle du diffuseur et son implication devraient s’amenuiser par rapport à la phase de développement. Si le diffuseur surveille effectivement moins étroitement le tournage, Jeppe Gjervig Gram rappelle qu’il peut toutefois observer au jour le jour l’évolution du projet en regardant les rushes, et ceci, notamment pendant les premiers jours de tournage. Le producteur, en revanche, doit être présent sur le tournage et le suivre au quotidien.

Will Sharpe confirme enfin, s’agissant du tournage de Flowers, que le diffuseur était très peu présent, même s’il se rappelle avoir par exemple reçu une note concernant un des lieux de tournage. Il imagine toutefois que le diffuseur regarde régulièrement les rushes et qu’il n’hésiterait pas à intervenir si le projet n’évoluait pas comme il l’entend.

Sylvie Coquart ne peut qu’abonder sans son sens. Les besoins des chaînes peuvent, sur ce point, rejoindre ceux des créateurs. Elle rappelle que le rôle d’un scénariste est d’observer et de questionner la société dans laquelle il vit. Mais pour que les séries diffusées sur les chaînes, publiques ou privées, reflètent la société, il faut pouvoir engager un dialogue entre toutes les parties prenantes de la création : les scénaristes, les producteurs et les diffuseurs. Or, malheureusement, en France, ‘’les diffuseurs et les scénaristes ne se rencontrent jamais’’. Elle estime que les scénaristes sont trop exclus des discussions en France.

Christian Wikander assure que sa porte est toujours ouverte. Il reçoit régulièrement des auteurs venus lui pitcher directement leurs projets. À la différence de DR, la chaîne SVT ne produit pas en interne les séries qu’elle diffuse et fait donc toujours appel à des producteurs indépendants. Un projet peut naître des discussions entre le créateur et le directeur de la fiction. Mais, dans tous les cas, la série est confiée à un producteur. Christian Wikander utilise le terme d’adoption, car il s’agit, en effet, de ‘’trouver de nouveaux parents à la série’’. Souvent même, la chaîne incite l’auteur-créateur à trouver lui-même le producteur avec lequel il souhaite collaborer.

Développer une série

Une fois la série choisie, le projet rentre dans une nouvelle phase, celle du développement. Séverine Jacquet fait remarquer que toutes les séries qui sont développées ne voient pas forcément le jour. Et Tone C. Rønning le confirme. Elle admet avoir eu beaucoup de chance, mais s’agissant de NRK, sur deux séries en développement, seulement une est produite. Christian Wikander rappelle quant à lui que les séries qui sont abandonnées en cours de développement ne disparaissent pas pour autant. Elles peuvent être mises de côté pour une éventuelle future diffusion, voire même connaître une nouvelle vie sur une autre chaîne.

Pour Katrine Vogelsang, le plus difficile, pour un directeur de fiction est de se séparer d’un projet auquel il tient sous prétexte que celui-ci ne correspond pas à la ligne éditoriale de la chaîne. Or, c’est bien souvent la seule solution. ‘’Rien ne sert de se lancer dans le développement d’une série qui ne répondrait pas aux besoins de la chaîne, car on serait alors tenté de modifier la vision originale du créateur au risque de dénaturer le projet’’.

Séverine Jacquet évoque ensuite la question des pilotes. Les pilotes sont très utilisés aux États-Unis, beaucoup moins en Europe. Christian Wikander n’y est pas favorable. Cela étant dit, des pilotes peuvent être tournés pour les projets les plus complexes ; ceux dont le concept est difficilement traduisible dans un scénario écrit. Le pilote permet, dans certains cas, de répondre aux grandes questions posées par la série, de définir un ton.

Will Sharpe, au contraire, y est très favorable. Pour Flowers, un pilote de 30 minutes a été tourné. Ce dispositif a permis de définir l’univers et la signature visuelle de la série. ‘’Le scénario rêvé’’, précise-t-il, ‘’serait de pouvoir tourner un pilote après que la série a été commandée, mais c’est malheureusement rarement le cas’’. Quoi qu’il en soit, les pilotes permettent de rassurer les diffuseurs.

Séverine Jacquet propose d’aborder alors la question des notes de développement ; ces notes qui permettent au diffuseur de communiquer pendant la phase de développement avec le producteur et le scénariste, et d’exprimer son point de vue. Will Sharpe, créateur de Flowers donc, a reçu beaucoup de notes pendant le développement de sa série. Il tient à préciser que la chaîne a toujours soutenu son projet. Lorsqu’il a pitché la série, il a tout de suite compris que Channel 4 était prête à prendre des risques et qu’il allait pouvoir bénéficier d’une grande liberté. Toutefois, en tant qu’auteur, il aime qu’un regard extérieur soit posé sur son travail. Mais pour que les notes de développement soient utiles, il faut s’assurer que tous les partenaires du projet donnent leur avis de la manière la plus honnête possible, sans aucune forme d’autocensure. Pendant le développement, la parole doit être totalement libérée et tous les points de vue doivent pouvoir être exprimés. Il revient ensuite au créateur de s’approprier l’ensemble des commentaires et de trouver les solutions qui s’imposent.

Christian Wikander comprend l’argument développé par Will Sharpe. Cependant, dans le cas des coproductions, le nombre de partenaires peut être très important et la multiplication des voix ou des regards peut entraîner une situation trop confuse et chaotique pour l’auteur. Certes, la discussion doit être aussi ouverte que possible, mais il suggère cependant de nommer un partenaire principal dont le rôle sera de collecter l’ensemble des notes de développement en vue d’arriver à une forme de consensus qui permettra alors à l’ensemble des partenaires de s’exprimer d’une seule voix.

Katherine Vogelsang estime que les notes de développement doivent être les plus concises et concrètes possible. Ces notes doivent, selon elle, se limiter à 5 ou 6 points précis. Ces différents points seront discutés avec le producteur et non pas directement avec l’auteur ou les auteurs. ‘’Le producteur et le diffuseur doivent pouvoir parler d’une voix commune’’, confirme-t-elle.

Jeppe Gjervig Gram explique pour sa part que chez DR, les seules notes de développement qu’il reçoit sont écrites par le directeur de la fiction. Et encore, ces notes sont systématiquement filtrées par le producteur (considéré comme un co-créateur) avant qu’elles lui soient transmises. Les notes jugées hors de propos sont détruites. Le producteur se permet également d’adoucir certaines des remarques les plus âpres, ce qui, pour le scénariste, est très appréciable.

En collaboration avec

 

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy