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La distribution d'un film d'animation

par 

- Interview avec Marc Bonny, distributeur de film d’animation pour Gebeka Films. Il a notamment distribué Kirikou et la Sorcière et Kirikou et les bêtes sauvage.

Marc Bonny est distributeur de film d’animation pour Gebeka Films. Il a notamment distribué Kirikou et la Sorcière et Kirikou et les bêtes sauvages [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]

Comment raisonne un distributeur quand il a à s’occuper d’un film?

Kirikou et les bêtes sauvages est sorti en France le 7 décembre 2005, sept ans après Kirikou et la sorcière. Deux cas opposés, le premier est attendu sur le marché et a déjà une grande notoriété, le second n’avait aucune notoriété. Il est très important de préparer le matériel promotionnel en amont de la production. Parfois aucune image tirée du film ne convient pour la promotion du film sur posters. Il faut donc faire une dizaine d’images pour la communication.

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Quels sont les moyens de lancement d’un film et comment faire pour qu’un film marche ?

Il y deux principaux moyens : la publicité, qui est très coûteuse en ce qui concerne l’affichage et les spots TV selon les pays, et le bouche à oreille, qui lui ne coûte rien. Il faut absolument utiliser le bouche à oreille grâce aux festivals, aux avant-premières avec des publics très ciblés qui vont « porter la bonne parole » et aider à faire marcher le film. Et ça c’est très important. Pour qu’un film marche, il ne suffit pas d’inonder les rues d’affiches 4m x 3m.

Si le film est raté, ce qui arrive aussi, le distributeur a deux solutions mais il doit d’abord être lucide, le producteur aussi. La première solution, c’est de mettre beaucoup de publicité et beaucoup de copies pour que le film marche très vite car le bouche à oreille va très vite aller contre le film et contre tout l’argent dépensé en publicité et en copies. Si le film est vraiment raté et que cela ne vaut pas la peine de faire une grosse sortie, il faut être lucide et faire une toute petite sortie pour limiter les dégâts.

Le distributeur étudie avant tout la nature du film et son positionnement : le public potentiel (âge, …), le type de public (cinéphiles, grand public, pour grandes agglomérations ou villes moyennes), le potentiel du bouche à oreille (bon, moyen, mauvais). L’idéal c’est que le distributeur du pays d’origine du film fasse ce travail avec le producteur car c’est souvent sur ce territoire que le film sort en premier et qu’il va faire le plus d’entrées. Ce sera donc un critère déterminant pour vendre le film dans d’autres pays.

A partir de cela, on détermine le public que l’on va cibler et on fixe un objectif minimal en nombre d’entrées. Le distributeur doit avoir une idée du potentiel du film pour calibrer son investissement.

Une fois que l’on a défini ces éléments, il y a la stratégie de sortie qui comporte plusieurs éléments : la date, critère fondamental pour le film selon les publics (avant vacances scolaires pour les films pour enfants), le type de salles dans lesquelles le film va sortir (salles art et essai, multiplexes, les deux), le nombre de copies, élément clé dans la sortie du film (en France cela peut aller de une à près de mille copies), le montant des frais d’édition qui est lié au nombre de copies car plus on met de copies plus on a besoin de dépenser de l’argent en publicité pour que le film marche assez vite partout, la communication (affichage, annonces presse, les critiques, les exploitants sur le terrain, spots TV).

Une fois que ces éléments sont définis, et si possible avec le producteur, il faut mettre en œuvre la création du matériel publicitaire. Il ne faut pas le faire avant car l’un dépend de l’autre. Le matériel publicitaire se compose du visuel principal (l’affiche) qui va donner l’image de base du film support essentiel et parfois unique pour « vendre » le film et qu’il ne faut donc pas hésiter à travailler, les visuels secondaires (photos pour la presse et les exploitants), le teaser et la bande-annonce, le dossier de presse qui met en avant les points forts du film. Il faut passer du temps pour concevoir ces éléments car il conditionne le succès du film.

On peut aussi élaborer des dossiers thématiques pour des publics ciblés : si on a un film avec un cheval, on peut imaginer s’associer avec une fédération d’équitation pour toucher ce public spécifique ; si le film est adapté d’un livre à succès, on peut travailler avec l’éditeur du livre qui utilisera son propre réseau ; il est aussi possible de réaliser des expositions qui sont mises à disposition des salles.

Il faut aussi construire les relations avec la presse (quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, TV, radio, Internet).

Tous ces éléments sont mis en œuvre progressivement pour que le jour de la sortie on soit au maximum de la notoriété, de l’information, de la publicité. Il faut donc déterminer le jour de la sortie pour faire ensuite un compte à rebours qui permette de planifier la mise en place de chacun de ces éléments de communication.

Un petit distributeur avec des moyens limités ne peut changer la date de sortie une fois qu’elle a été arrêtée. Des espaces publicitaires ont été réservés qui empêche de faire marche arrière. Il arrive donc qu’un petit film soit en concurrence avec un gros film simplement parce qu’au moment de déterminer la date de sortie le gros film n’était pas encore annoncé.

Tout cela c’est précisément le travail du distributeur qui est entre le producteur et l’équipe artistique, c’est à dire très en amont, et les salles de cinéma.

Comment a été préparé le lancement de Kirikou et les bêtes sauvages ?

Le public cible sont les enfants à partir de trois ans et le public familial. De par la qualité des images, il peut aussi y avoir un public adulte qui voudra s’émerveiller devant la beauté de l’Afrique.
Gébéka a choisi de mettre le film dans des salles indépendantes en France, salles art et essai qui avaient fait le succès du premier avec 60 copies au départ puis 150 grâce au bouche à oreille. Kirikou et les bêtes sauvages sort sur 350 copies le 7 décembre avec une centaine de copies supplémentaires le 14 décembre juste avant les vacances scolaires. Le contexte a complètement changé entre les deux films : la notoriété n’est plus la même, la demande a évolué radicalement car les gros circuits d’exploitation veulent le film.

La concurrence est fondamentale. A l’époque de Kirikou et la sorcière, il y a sept ans, il y avait Mullan, le prince d’Egypte, premier exemple de concurrence face à Disney sur son propre terrain avant Noël. Le contexte a changé car plusieurs studios font de l’animation et les productions européennes marchent mieux.

Cette fin d’année 2005 est particulièrement chargée en France et en Europe avec Harry Potter le 30 novembre, Chicken Little de Disney sort le 7 décembre, comme Kirikou, King Kong sort le 14, et Le monde Narnia sort le 21. La plus fort concurrence face à Kirikou, c’est évidemment Chicken Little que Disney a retardé pour se positionner derrière Harry Potter. Le distributeur de Kirikou n’a pas souhaité changer la date car les espaces étaient réservés et cela reste la seule offre familiale française que tout un public attend.

Le montant des frais d’édition et de copies (P&A) sur Kirikou et la sorcière était d’environ 200.000 euros, et sera d’environ 850.000 euros pour Kirikou et les bêtes sauvages. Sur le premier, il n’y avait pas eu d’affichage, le travail s’effectuant uniquement à destination des salles et de la presse. L’objectif, il y a sept ans, était de 300.000 entrés, pour un résultat final de 1,5 million. Pour ce nouveau film, l’objectif minimal est de un million d’entrés.

Comment se présente le marché du long métrage en France en 2006 ?

Le marché du long métrage d’animation en France entre décembre 2005 et décembre 2006 se composera d’une dizaine de long métrage français, ce qui est exceptionnel et représentera un test intéressant pour le marché avec des films tout à fait différents.

Quel implication aurait l’arrivée du numérique dans le métier de distributeur de films d’animation, notamment par rapport aux coûts des copies et donc aux coûts de lancement d’un film?

Pour l’instant, une copie pour un film de 1h10 coûte environ 750 euros soit 300.000 euros pour 400 copies. En ce concerne le numérique, les choses ne sont pas claires et on sait peut de choses et on sera sûrement dans un processus assez long qui va voir cohabiter copies 35mm et copies numériques. A terme, les gros distributeurs feront des économies sur les copies mais pour les plus petits l’économie sera moindre.

Pour l’instant, le modèle est tel que ceux qui font des économies, les distributeurs, ne sont pas ceux qui doivent investir, les salles. Le processus pour résoudre ce paradoxe sera encore long.

A quel point les nouvelles opportunités de communication et de marketing (téléphone portable et Internet) sont pertinentes pour l’animation ?

Internet est un moyen formidable de communiquer, de toucher des gens à faible coût. L’affichage est très coûteux mais très peu efficace. Internet s’ajoute aux moyens traditionnels mais la salle de cinéma reste le meilleur endroit pour donner envie d’aller voir des films. Il est plus facile de convaincre quelqu’un qui va au cinéma régulièrement de venir une fois de plus : les affiches dans les halls et les bandes-annonces sont très efficaces et très importantes.

Est-ce que Gébéka a participé au financement du film sous la forme d’un minimum garanti ?

Le distributeur prend soit un film en distribution simple, sans minimum garanti, soit avec un minimum garanti qui peut varier dans des proportions très importantes, soit il est aussi coproducteur comme sur Kirikou et les bêtes sauvages, l’investissement se divisant alors entre le MG et les parts de coproduction. Le MG s’est élevé à 450.000 euros.

Publié par Cartoon, l’Association européenne du film d’animation
Cartoon Master Postdam, Allemagne, Novembre 2005

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