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Hend Sabry • Actrice

"L’art, le cinéma et la culture aident aussi à lutter contre d’autres stéréotypes"

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- Dans le cadre du festival du Caire, qu’elle a parrainé, Cineuropa a rencontré Hend Sabry autour du dialogue entre cultures

Hend Sabry  • Actrice

Dans le cadre du Festival du Caire, qu’elle a parrainé, Cineuropa a rencontré Hend Sabry autour du dialogue entre cultures.

Cineuropa : Comment tu as commencé ton métier d’actrice ?
Hend Sabry Une série d’hasards qui m’ont amenée à faire un métier dont je suis quand même tombée amoureuse.

Parlons de ton deuxième film, Asmaa (une fille malade du SIDA), as-tu eu peur de faire ce film ?
Oui, j’ai eu peur de faire ce film parce que à l’époque et encore aujourd’hui il y a une vraie stigmatisation de tout ce qui est hors norme dans la société et dans la société arabe en général. Le cas spécifique des malades de SIDA est un thème qui a été toujours très mal traité par le cinéma Egyptien, je pense qu’Asmaa est le premier. C’est vrai que beaucoup de comédiens ont peur de la stigmatisation. Dans le monde arabe, il est difficile qu’un acteur joue le rôle d’un homosexuel par exemple. On mêle toujours la réalité à la fiction et le comédien au personnage. Toutefois, j’ai accepté tout de suite. Le film, il a beaucoup changé l’approche du publique mais aussi des comédiens à certains rôles. Cela a donné du courage et encouragé plus de comédiens à prendre plus de risques dans leur carrière.

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Le rôle dans Fleur d’Alep, sur l’extrémisme et la radicalisation, t’as amené des polémiques ?
Oui, il m’a apporté beaucoup de critiques avant de le faire, pas après. J’ai même eu des menaces de mort. J’ai reçu des emails des politiques en Syrie qui me disaient que je parlais de quelque chose que je ne connaissais pas. Au début, on pensait que le film était sur le jihad sexuel, ce qui n’était pas le cas, et je ne sais pas pourquoi les médias ont propulsé le jihad sexuel et beaucoup de monde me disait qu’il n’y avait pas de jihad sexuel. Après, j’ai expliqué que c’était une mère tunisienne courageuse qui allait chercher son fils en Syrie.  Finalement c’est une histoire tunisienne et qui montre comment dans le monde arabe les problèmes sont partout : une guerre en Syrie qui fait éclater des familles en Tunisie et c’est ça qui m’as touché. C’est un film très moderne qui n’aurait pas pu être fait en 2010 parce à ce moment-là les problèmes étaient très différents : tout était bien contrôlé et bien verrouillé.  Je ne voulais pas un film sur la Tunisie du passé et voilà parce que j’ai aimé Fleur d’Alep, un film qui parle d’un problème tunisien qui est nouveau.

Est-ce que tu penses que ce film aide à lutter contre la radicalisation et l’extrémisme ?
Comme tous les artistes et tous les comédiens je me pose toujours cette question mais je ne peux pas répondre. En tout cas, il a ouvert un débat en Tunisie et c’est un film qui a battu les records d’entrées. Ce n’est pas un film élitiste mais c’est un film qui est fait pour le grand public. Les gens sont sortis des salles en se posant des questions : pourquoi on doit partir en Syrie ? Où est ce qu’on a échoué ? Notre mission est celle de faire bouger un peu ce qui est stagnant. Dire qu’on peut aider contre la radicalisation peut sembler un peu prétentieux, mais nous pouvons ouvrir des importants débats et je suis certaine que ce film a fait ça.

L’art, le cinéma et la culture aident aussi à lutter contre d’autres stéréotypes. Il est important de parler de sujets tabou dans le monde Arabe, comme le cancer. J’ai joué dans une série qui est passé pendant le mois du Ramadan et qui a eu un grand succès. Une série qui parle du cancer, une maladie dont on ne parle pas. Je connais des gens qui ont un cancer mais qui n’osent pas le dire. La série a eu un succès incroyable. Nous avons reçu des messages d’amour. Des malades nous ont remerciés pour leur avoir donné la force qui leur a permis de guérir et de se reconstruire. La série a beaucoup changé la perspective des gens, des malades et de leurs familles sur cette maladie.

Quel message ou quel combat tu veux transmettre avec ton film ?
Je n’ai pas de combats particuliers. Si j’ai une mission, c’est celle d’être la voix de ceux qui n’en ont pas et de porter des messages de tolérance et d’ouverture à l’autre même s’il est différent. En effet, il y a un problème de conformisme dans le monde Arabe et de conventionnalisme qui nous étouffe. Avec 70% des personnes qui ont moins de 35 ans, il y a vraiment un problème d’individualisme. Personne n’ose dire qu’il est différent, personne n’ose dire qu’il pense différemment, tout le monde veut paraitre normal. Je voudrais dire aux jeunes “It’s ok to be yourselves”, ils ne sont pas obliges à se conformer et cela se passe partout dans le monde Arabe. Heureusement, il y a une nouvelle vague de réalisateurs qui lutte contre ce conformisme, comme Amr Salama et Mohamed Diab en Egypte. Je veux parler de personnages qui n’avaient pas le droit de passer avant parce qu’ils étaient trop différents. Je cherche toujours de passer ce message aux gens. On n’est pas tous obligés de se rassembler et notre richesse réside dans le fait qu’on ne se rassemble pas. Ici, il y a une volonté à se conformer qui est effrayante.

Qu’est que tu penses de l’Europe, est-ce que l’art peut nous rapprocher ?
Il n’y a que l’art qui nous rapproche, il n’y a rien d’autre. La seule chose qui nous rapproche dans le monde Arabe est qu’on aime tous Ibn Khaldun, qu’on aime tous les mêmes films, on a le même ADN culturel. Et c’est la même chose entre le nord et le sud, entre l’Orient et l’Occident, entre l’Europe et le monde Arabe, il y a beaucoup d’échanges qui se passent à merveille alors que d’autres échanges, politiques par exemple, peuvent mal se passer parfois à cause de quelques malentendus. Les cinémas dans le monde Arabe sont ceux qui ont bien compris l’importance de la coproduction et qu’elle n’est pas une nouvelle colonisation. Il y a beaucoup de coproductions qui font que les films arabes sont plus présents même en occasion des festivals à l’étranger et qui sont distribués en salle même dans les grandes villes éuropéennes.

As-tu l’impression que l’Occident présente le monde arabe de manière stigmatisée ? 
Oui, mais je ne pense pas que ce soit une manipulation, ils doivent raconter ce qu’il se passe et c’est vrai qu’il y a un tas de mauvaises choses comme l’extrémisme, la radicalisation et la violence. Mais c’est vrai qu’il y a même une autre côté qui ne leur intéresse pas. Je pense que le monde arabe est victime de la manière dont nous racontons notre propre histoire. Il y a une espèce de victimisation chez nous depuis des dizaines d’années. Nous devons essayer de montrer notre histoire et, en même temps, nous devons lutter contre la radicalisation en le disant très fort sans la peur de dire que ces gens-là ne nous représentent pas. La grande masse des populations ne sont pas ni dans la radicalisation ni dans la violence et il y a une toute petite minorité qui parle en notre nom et qui nous a complètement pris en otage. C’est à nous de dire que c’est une minorité et il faut assumer cette différence pour que l’Occident l’accepte.

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