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EMERGING PRODUCERS 2021

Quentin Laurent • Producteur, Les Films de l’œil sauvage

“Les réalisateurs ont dû complètement repenser leurs films et ces réflexions sont fascinantes”

par 

- Le producteur français, sélectionné à Emerging Producers 2021, explique pourquoi il aime produire des documentaires et comment il aborde son métier dans la situation actuelle

Quentin Laurent • Producteur, Les Films de l’œil sauvage

Le producteur français Quentin Laurent de la société Les Films de l’œil sauvage, sélectionné à Emerging Producers 2021, explique pourquoi il aime produire des documentaires et comment il aborde son métier dans la situation actuelle.

Pourquoi produisez-vous des documentaires ? Voyez-vous les documentaires comme un instrument du changement social et politique ?
Quentin Laurent : Depuis que je suis petit, je nourris le désir vain et naïf de découvrir le vaste monde. J’ai étudié la géographie humaine à l’université pendant cinq ans et j’ai réalisé quelques documentaires de recherche en Afrique subsaharienne. "Géographie" signifie littéralement "décrire la terre", ce qui me semble aussi être une définition acceptable du cinéma documentaire. Cette filiation naturelle dans laquelle ma curiosité peut s’épanouir explique probablement un peu pourquoi je fais ce travail.

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Quand un film arrive à compter dans le débat social ou politique, c’est évidemment très bien, mais je ne vois pas ça comme un objectif ou une ligne directrice dans mon travail. Pour moi, les stratégies qu’un tel objectif induit, qui me semblent concerner plus le domaine de la communication que de la création artistique, ne m’intéressent pas beaucoup et me semblent même parfois suspectes.

D’autre part, je suis sensible à une approche du documentaire portée par le désir de rassembler, de comprendre et de réconcilier le cinéaste, son sujet et l’espace qui les entoure. Cela me semble déjà être un acte politique majeur en soi. C’est suffisant pour moi. Je laisse volontiers à d’autres la question de sa réception par le public.

En tant que producteur, comment faites-vous face à la situation actuelle de pandémie ? Quelles sont vos principales préoccupations (ou opportunités) ?
La pandémie a eu des répercussions importantes sur nos productions. À l’origine, cela impliquait seulement de reporter le tournage, mais face à la persistance de la situation, plusieurs réalisateurs ont décidé de s’adapter à la pandémie dans leurs projets, en repensant complètement leur film en termes de dispositifs et de problématiques. Ces réflexions sont fascinantes et peuvent mener à des idées pertinentes et très originales ou à des situations documentaires sans précédent, qui n’auraient probablement jamais existé si cette crise sanitaire n'était pas survenue. Je tiens à souligner que je réalise la plupart de mes films avec des partenaires – souvent publics – qui permettent une certaine liberté d’expérimentation.

Les effets de la pandémie sont plus néfastes en ce qui concerne les sorties en salle. Nous en avions prévu cinq entre fin 2020 et 2021 et toutes ont évidemment été reportées ! Pour les réalisateurs, cette étape est le couronnement d’un chemin long et éprouvant mais aussi l’indicateur du début de nouveaux projets. L’attente peut donc s’avérer très difficile.

Sur le plan financier, je dois dire que les partenaires publics ont été d’une grande aide, accélérant les procédures de paiement et créant de toute urgence des fonds de soutien exceptionnels.

Selon vous, quel est l’avenir de la distribution des films documentaires ?
Malgré ma courte expérience (5 ans), je suis probablement déjà un producteur "à l’ancienne" parce que je suis très attaché à la projection physique des œuvres dans les salles, "le dernier espace de transport public", comme l’a dit un célèbre cinéaste suisse. Je suis tout particulièrement attaché aux festivals, où tout le monde vient découvrir des films ensemble, autour d'un programme méticuleusement élaboré et dans un cadre propice aux échanges. C’est  ça, pour moi, l’avenir du cinéma. Cela ne m’empêche pas d’avoir un vidéoprojecteur au-dessus de mon lit, en cas de pandémie mondiale.

Sur quels projets travaillez-vous en ce moment (y compris dans le domaine du film de fiction et d’autres projets) ?
Le jour de la réouverture des salles, nous sortirons en France Aswang [+lire aussi :
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d’Alyx Arumpac (primé au Festival international du film documentaire d’Amsterdam) et Overseas [+lire aussi :
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de Sung-A Yoon (Locarno), tous deux tournés aux Philippines, En route pour le milliard [+lire aussi :
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, le dernier film de Dieudo Hamadi (premier film congolais de RDC retenu en Sélection officielle à Cannes), Le Kiosque [+lire aussi :
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, un premier film par la prometteuse Alexandra Pianelli (présenté notamment à Sheffield) et notre première coproduction de fiction, Mater [+lire aussi :
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interview : Jure Pavlović
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de Jure Pavlović (Festival Black Nights de Tallinn).

J’ai une quinzaine de projets en cours, à des stades différents de leur fabrication. Je m’intéresse particulièrement aux récits et aux cinéastes étrangers et la plupart de mes projets actuels se déroulent à l’étranger : en Grèce, au Chili, au Bangladesh, en Inde, au Brésil, aux États-Unis, en République centrafricaine, en Éthiopie, au Togo, en Irak et bientôt au Japon et au Monténégro.

Certains de ces projets sont des coproductions internationales ambitieuses, comme Kristos the Last Child de Giulia Amati (en coproduction avec Arte France, l’Italie et la Grèce), ou encore Dreaming Walls d’Amélie Van Elmbt et Maya Duverdier, une production majoritairement belge mais aussi française, suédoise et néerlandaise, qui bénéficie du soutien d’Eurimages.

Certains projets sont des premiers films, avec une approche très intime et un esprit “fait maison”, comme le très poétique Bilkis et Bilkis, réalisé par le Bangladais Humaira Bilkis.

Bien sûr, je produis aussi des films en France comme Ô Châteaux ! de Gaspard Hirschi (à Marseille), La Base [+lire aussi :
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de Vadim Dumesh et Saint Ouen d’Antoine Danis (à Paris), ou encore Burn to Shine de Patricia Allio (en Bretagne), mais chacun d’eux est animé par une approche très singulière, qui renouvelle notre perception des espaces qui nous sont familiers.

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EMERGING PRODUCERS est un projet promotionnel et éducatif de premier plan, qui réunit de talentueux producteurs européens de films documentaires. Le programme est administré et organisé par le Festival international du film documentaire de Jihlava.

La date limite pour déposer une candidature à l’édition 2022 de EMERGING PRODUCERS est le 31 mars 2021.

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(Traduit par Julie Maudet)

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