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CANNES 2022 Marché du Film

Laurent Dutoit • Distributeur et exploitant, Agora Films

"Ça va être difficile, pour des films comme Drunk, Nomadland ou The Father, d’avoir assez de cinémas où jouer”

par 

- CANNES 2022 : Nous avons discuté avec le distributeur et exploitant suisse pour comprendre pourquoi les exploitants ont du mal à ramener les spectateurs dans les salles

Laurent Dutoit • Distributeur et exploitant, Agora Films

Après la conférence de l’Observatoire européen de l'audiovisuel "Les tendances clefs dans le secteur du cinéma" qui s’est tenue au Marché du Film  le 19 mai, Cineuropa a rencontré Laurent Dutoit, membre d'Europa Distribution et distributeur et exploitant pour Agora Films. Lors de notre entretien, nous avons parlé des chiffres dévoilés pendant l'événement et tenté d’analyser les raisons pour lesquelles les spectateurs ont du mal à retourner au cinéma après deux ans de pandémie.

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Cineuropa : Pendant la conférence, vous avez dit que le Festival de Cannes de cette année pourrait jouer un rôle clef dans la remise sur pied du box-office européen. Dans quel sens ?
Laurent Dutoit : Pour les films d’art et d'essai, un lancement au Festival de Cannes est très important. [...] Il y a énormément de journalistes présents et c’est censé être l’endroit où l'on voit les meilleurs films de l’année. À présent que le festival touche à sa fin, on peut voir que des temps difficiles nous attendent. Beaucoup des films montrés ici ne marcheront qu'avec un public de niche. On espère que certains vont mieux fonctionner dans les salles, mais de ce que j’ai vu, je ne pense pas qu'il y en ait un seul qui puisse dépasser les 500 000 entrées en France. Ce n’est pas tant que ça. On peut considérer que c'est un chiffre acceptable pour un film d’auteur, mais si on regarde les films qui étaient là en 2019, on a eu Tarantino [Once Upon a Time in Hollywood], Ladj Ly [Les Misérables [+lire aussi :
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], Bong Joon-ho [Parasite], Almodovar [Douleur et gloire [+lire aussi :
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]... Il y avait de plus gros titres…

On remarque tous combien les exploitants peinent à faire revenir les spectateurs dans les salles, mais comment peuvent-ils les intercepter ?
Je pense que 2021 a été une meilleure année. Après une longue fermeture, le public semblait très impatient de revenir. Quand on regarde les chiffres du second semestre 2021 en Suisse, on peut voir que le box-office a baissé de 28 %. Si on regarde le box-office maintenant, en 2022, la baisse est de 43 %. On compare dans les deux cas avec les résultats moyens enregistrés sur la période 2015-2019. [...] Ce que je crois, c'est que nous manquons de bons films qui pourraient attirer plus de spectateurs. Nous savons que les films dramatiques et les films avec un fond politique ou qui abordent d’importants sujets sociaux ne fonctionnent pas vraiment bien, parce qu'après le Covid, les gens ne veulent pas voir ça…

Ils chercheraient plus d’évasion ?
Oui, et nous n’avons pas assez de ces films-là. De ce que nous avons pu voir ici à Cannes, a priori, il n'y a pas de films comme ça, ou bien ils n’ont pas été sélectionnés. Avec un peu de chance, il y en aura à Venise et Toronto.

Pouvez-vous identifier une cible spécifique ou une tranche d'âge qui semble encore plus réticente à retourner au cinéma ?
Non. Je suis exploitant aussi et quand je regarde le système de billetterie, je constate que l'année dernière, ce sont les personnes plus âgées qui nous ont manqué (les spectateurs de plus de 60 ans) ; ils étaient significativement moins nombreux que pendant la période pré-pandémie. Mais à présent, les choses sont revenues à la normale.

Donc la baisse est également distribuée entre les différents segments du public
Oui, On ne peut pas dire que ce sont seulement les jeunes qui ne viennent pas, ou seulement les personnes plus âgées. Pendant deux ans, les personnes âgées se sont entendu dire qu’elles couraient des risques. Nous sommes en train de les ramener dans les salles, mais ça n’est toujours pas suffisant.

Et quid de l’effet des aides publiques à la remise sur pied du secteur ?
Dans certains pays, les autorités nationales sont parvenues à soutenir le secteur. Dans beaucoup d'autres, ils ont juste aidé les exploitants, mais pas les distributeurs. L’intervention d'Europe créative a été assez tardive. [...] En Suisse, le soutien va se poursuivre jusqu’au mois prochain. C’est aussi la raison pour laquelle nous sommes encore là. Dans la plupart des pays occidentaux, il y a eu des aides pour pallier les pertes, mais ces prochains mois seront durs. Même si le box-office reprend un peu et que nous atteignons -20 %, ça reste une base des entrées. Le problème de la stabilité financière demeure.

Il semble en effet que le problème central reste d'attirer les gens dans les salles, parce que selon les chiffres fournis par l’Observatoire, le nombre d'écrans est resté presque inchangé
Oui, c’est aussi pour cela que les cinémas ont été aidés jusqu’ici. Il est impossible de maintenir ce nombre d'écrans s'ils ne sont plus soutenus et que le box-office reste dans ce triste état. On risque la banqueroute dans les mois qui viennent ; je ne suis pas sûr qu’il y aura autant de cinémas ouverts l’année prochaine. C’est problématique, parce que les plus faibles sont ceux qui offrent le plus de diversité. Si nous n’avons que des multiplexes qui présentent Doctor Strange ou Top Gun, qui fonctionnent assez bien, ce sera difficile pour des films comme Drunk [+lire aussi :
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, Nomadland ou The Father [+lire aussi :
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d'avoir assez de cinémas où être projetés.

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(Traduit de l'anglais)

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