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LECCE 2018

Luciano Accomando • Réalisateur

"Je voulais apporter un point de vue différent sur l'immigration, l'aborder comme une ressource"

par 

- Cineuropa a rencontré Luciano Accomando au 19e Festival du film européen de Lecce pour parler de son documentaire Immagine dal vero, qui parle d'expériences d'immigration réussies en Sicile

Luciano Accomando • Réalisateur

Souvent, les récits d’immigration se retrouvent réduits à des stéréotypes impliquant des bateaux, de la marginalisation et de la criminalité, alors qu'on peut trouver, en Italie, des expériences d’immigration réussies. C'est ce que montre le documentaire Immagine dal vero [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Luciano Accomando
fiche film
]
, du Palermitain Luciano Accomando. Ce film inverse en effet la perspective et raconte les parcours de cinq femmes et sept hommes qui ont émigré vers la Sicile (depuis l’Afrique, le Bengladesh, la Roumanie…) et se sont tous parfaitement intégrés dans leur pays d’accueil, à force de travail et d’encouragements prodigués par ceux qui croyaient en eux. Le documentaire a remporté le prix du meilleur film au Festival Social Machinery ainsi que le prix du public aux festivals de Sciacca et de Terni. Il vient d'être projeté dans le volet Cinéma et réalité du 19e Festival du cinéma européen de Lecce.

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Cineuropa : Comment avez-vous déniché ces histoires et comment les avez-vous sélectionnées ?
Luciano Accomando : Nous avons commencé par quelques recherches psychosociales dirigées par le docteur Angelo Scuzzarella. Au départ, nous voulions comprendre l’origine des a priori à l’encontre des immigrants, et pourquoi ces gens avaient souvent une faible estime d’eux-mêmes, et tendance à se résigner face à leur destin. Nous avons mené une enquête sur le terrain en faisant remplir des questionnaires dans les écoles, etc. puis nous avons passé au crible les différentes histoires en faisant confiance à notre intuition. Certains immigrés se sont retrouvés à errer dans les rues, comme Adham (un médecin d’origine palestinienne). Nous avons choisi à la dernière minute de parler de lui, mais son histoire a énormément apporté au documentaire.

L’idée de départ était de proposer un point de vue différent sur l’immigration, de l’aborder comme une ressource. En Sicile, où il y a un important problème d’immigration, nous avons recueilli plusieurs histoires positives qui peuvent servir de modèle de référence à d’autres personnes. Le travail de pré-production du film a pris beaucoup de temps. Il nous a fallu gagner la confiance de ces gens, car ils avaient aussi des a priori envers nous.

Le documentaire est divisé en chapitres. Il repose sur une structure journalistique, mais utilise de nombreuses images. Comment avez-vous travaillé sur tout le matériel que vous avez collecté ?
Nous avons utilisé une steadycam. Il y a pas mal de mouvement, même le choix des sites n’a pas été laissé au hasard. C’était un projet intense qui a duré 18 mois. J’ai d’abord parlé avec ces personnes, puis j’ai essayé de convertir le contenu de ces conversations en images et de récréer leur atmosphère. Il y avait de nombreuses heures de film, à travers lesquelles je suis personnellement parti à la pêche aux informations, parce que je voulais me réimmerger dans leurs histoires et peaufiner le moindre détail. Le plus difficile a été d’assembler toutes les phrases au montage pour en faire une seule conversation. Je ne voulais pas m’entendre parler. Le seul moyen de créer ce documentaire, c’était de leur donner la parole. La division en chapitres découle de mon métier d’écrivain, c’est une façon un peu littéraire d’insérer des pauses et de permettre au spectateur de respirer tout en stimulant sa curiosité.

Qu’avez-vous appris en faisant ce documentaire ?
J’ai appris que l’immigration est un sujet largement méconnu, sur lequel on colporte beaucoup de clichés, d’histoires fausses, etc. C’est en grande partie la faute des médias, qui mélangent sans distinction immigrants, réfugiés clandestins et terroristes. L’Europe et l’État doivent intervenir, sinon le problème retombera sur la société et une guerre éclatera inévitablement entre les plus pauvres. C’est important d’en parler. L’intégration marche dans les deux sens : je t’accepte et tu m’acceptes. Il ne s’agit pas uniquement d’immigrants qui arrivent par bateaux, il y a aussi des gens qui viennent en Italie par amour, pour les études, ou qui y restent malgré eux. Desmond, par exemple, ne pouvait pas retourner en Sierra Leone, à cause de la guerre civile qui avait éclaté dans le pays pendant qu’il était en Italie. Ça a été dur, mais il ne s’est jamais résigné, ne s’est jamais considéré comme "inférieur", et aujourd’hui il est entraîneur d’une équipe de basket. Pour ces personnes, la réussite passe par l’acceptation de soi, l’acceptation des autres, et le fait de trouver un travail et de s’intégrer.

Vous avez mentionné précédemment que votre documentaire pourrait représenter un modèle de référence pour d’autres immigrants. Quel type de distribution avez-vous en tête ?
Sur le site (immaginedalvero.com), il y a un projet appelé "Adotta il film" (litt. "adopte le film"), où on peut demander que le film soit projeté dans toute l’Italie. Nous pensons principalement aux écoles, mais aussi aux centres d’accueil, aux associations, etc. En octobre, le coffret publié par Leima sortira, et nous essayons actuellement de conclure des accords avec des chaînes de télévision. Le film est un véritable outil social et de sensibilisation ; il offre aux immigrants une source d’inspiration, et aux populations locales l’occasion de mieux comprendre le phénomène. Les Italiens doivent connaître ces histoires pour accueillir les immigrants et ces histoires ont besoin d’être connues. J’ai espoir que le message pourra également remonter jusqu’à l’Europe.

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(Traduit de l'italien par Séverine Meuleman)

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