email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Jean Libon et Yves Hinant • Réalisateurs

"Ce qui est horrible est souvent férocement drôle"

par 

- SAN SEBASTIAN 2017 : Rencontre avec les cinéastes belges Jean Libon et Yves Hinant, dont le premier long-métrage, Ni juge, ni soumise, forme partie de la Sélection Officielle du festival basque

Jean Libon et Yves Hinant  • Réalisateurs
Jean Libon (gauche) et Yves Hinant (© Montse Castillo/Festival de San Sebastian)

L’émission documentaire belge Strip-Tease est célèbre auprès du public francophone pour les portraits naturalistes et presque sans montage qu’elle fait de ses sujets. Jean Libon, un des deux créateurs de l’émission, et Yves Hinant, un de ses réalisateurs récurrents, co-réalisent à présent Ni juge, ni soumise [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Jean Libon et Yves Hinant
fiche film
]
, le premier long-métrage de la série. Ce travail est en compétition officielle au 65e Festival de San Sebastian. Cineuropa a interrogés les auteurs sur leur collaboration et sur leur personnage principal, la juge Anne Gruwez.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa : Pourriez-vous présenter un peu plus votre série documentaire Strip-Tease pour nos lecteurs non-francophones ? Quel est le lien entre l’émission et le film ?
Jean Libon & Yves Hinant
 : Strip-Tease (ST) est né d’une réflexion que nous avons eu après une dizaine d’années de télévision. Nous avions deux instruments formidables, une caméra mobile et un micro, sauf qu’avec ces deux outils, nous faisions soit de la « radio filmée », soit de la « peinture commentée », c’est-à-dire de la fiction non-assumée. Donc nous avons décidé de jeter cet attirail et de revenir à la matière brute, à savoir de l’image sans commentaire, sans interview et sans musique. ST est devenu, en 1985, une émission mensuelle diffusée en prime time en Belgique. En 1992, elle a été reprise par France 3. L’audience s’est avérée étonnante, et le public de ces émissions particulièrement jeune.

En 2001 ST s’est transformé en Tout ça ne nous rendra pas le Congo, faute d’effectif pour réaliser ces émissions. Le média TV étant en déshérence, entre la télé-réalité et le politiquement correct, nous pensons, à tort ou à raison, que ce regard sur la société est toujours d’une rare pertinence. C’est pour cela que nous nous tournons désormais aussi vers le cinéma. Il y a une grande continuité entre le petit et le grand écran.

Même si c’est notre premier long-métrage pour le cinéma, nous avons exploré différents formats en télé : 15’, 30’, 52’. En ce moment, nous travaillons aussi sur une série télé d’une dizaine d’épisodes.

Pourquoi avez-vous choisi, pour cette première co-réalisation ensemble, de présenter la juge Anne Gruwez, parmi tous les sujets possibles ?
Pourquoi Gruwez ? Madame la Juge nous est apparue à l’évidence comme un personnage fascinant, charismatique, brut de décoffrage et ouverte à ce type d’expérience. Elle est libre de paroles et de pensées et n’hésite pas à les exprimer. Elle est capable d’humour, une denrée si rare de nos jours. Elle est surtout capable de les faire transparaître, dans un quotidien judiciaire d’habitude si raide. Pour faire un film, il nous fallait aussi bien sûr une histoire, des histoires et ce film n’en manque pas.

Comment avez-vous été amenés à découvrir l’affaire de Yolanda et Nicole ?
C’était un « cold case », une affaire non résolue qu’elle n’avait pas réussi à élucider à ses débuts. Elle en faisait donc une affaire personnelle.

Avez-vous rencontré des difficultés pratiques à filmer ces affaires, notamment pour des raisons de confidentialité ou autre lors des audiences ?
Il y désormais une certaine culture du « moins on en montre », « du lissage et ravalement de façade » : on prend pour filmer d’étonnantes précautions, on se force à ne plus regarder la réalité en face. L’injonction de « positiver » a pris le dessus, qui nous contraint de ne plus montrer toute la réalité de la société, qui oblige à une certaine auto-censure, à se conformer au politiquement correct, or nous croyons qu’il est important de tout montrer, pour forcer le spectateur à voir ces réalités. Nous posons notre regard tel quel sur le réel pour que le spectateur se fasse lui-même son idée, et les différents spectateurs ne sont pas d’accord entre eux, tant mieux ! C’est cette idée aussi qui était à l’origine de ST.

Pensez-vous que c’est une représentation fidèle du système judiciaire belge ou s’agit-il ici de cas extrêmes ? 
Même si cela peut paraître extraordinaire, le film reflète une réalité tout à fait banale. Ce que nous avons filmé en Belgique existe évidemment partout ailleurs. Anne Gruwez et nous prenons la liberté de l’exprimer sur petit et grand écran. Ce qui est horrible est souvent férocement drôle. Ce n’est pas du cinéma, c’est pire !

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy