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BERLINALE 2024 Berlinale Special

Critique série : Dostoïevski

par 

- BERLINALE 2024 : Cette série des frères D’Innocenzo, où un policier troublé suit un tueur en série, pousse les schémas habituels de l'histoire de détective vers leurs limites les plus sombres

Critique série : Dostoïevski
Filippo Timi dans Dostoïevski

Depuis Frères de sang [+lire aussi :
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en 2018, avec, plus récemment, Storia di vacanze [+lire aussi :
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(2020) et America Latina [+lire aussi :
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(2021), les frères Damiano et Fabio D’Innocenzo bâtissent une filmographie fascinante, rejeton métaphysique du monde sordide, assez réaliste, des drames de mafia qui sont devenus un pilier du cinéma italien commercial. Avec leur première série, Dostoïevski [+lire aussi :
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, qui a fait sa première à la Berlinale et fait plus l'effet d'un long film que d'un travail réellement épisodique, les frères poursuivent leur voyage élégant et misanthrope vers le cœur pourri de la société italienne, mais cette fois en jouant avec les conventions et stéréotypes du film de détective.

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On fait la connaissance d'Enzo Vitello (Filippo Timi), quarantenaire, bel homme mais visiblement fatigué, alors qu’il est allongé, en train d’attendre que la poignée de cachets qu’il a avalés fassent effet, mais un coup de téléphone sur son portable l'informe qu’une autre victime a été trouvée, de sorte que le détective suicidaire doit retourner au travail.

Cette scène d'ouverture est tellement glauque qu'elle en est presque drôle, et plusieurs fois au long de cette histoire, qui est celle d’un homme brisé traquant un tueur en série insaisissable, des moments extrêmement sombres et sérieux provoquent une réaction similaire. Bien que la série adopte parfois un style viscéral et réaliste, et bien que l’interprétation de Timi serve d'ancrage au projet (du moins dans une certaine mesure), la plupart de ces accents sinistres ne font pas l’effet de développements totalement naturels, mais plutôt de tentatives de jouer avec les procédés typiques de l'histoire de détective et de les pousser plus loin. Ce désir manifeste de choquer le public et d'aller sur un terrain encore plus dérangeant que le plus sordide des films noirs nordiques, ou que True Detective, s'exprime parfois aux dépens de la plausibilité du récit ou du ton choisi.

Aussi tirés par les cheveux qu’ils puissent être, ces éléments sont au moins excitants et différents. Dostoïevski (dont le titre renvoie au surnom du tueur en série, qui laisse sur chacune de ses scènes de crime, toutes brutales, de longues lettres) est beaucoup moins inspiré quand il reproduit des clichés sans trop les reformuler. À la toute fin de la série, le motif éculé du détective rendu fou par son obsession pour un tueur dérangé devient quelque chose de complètement différent, d'original et de profondément dérangeant, mais le personnage de la fille d'Enzo, Ambra (une Carlotta Gamba éthérée), toxicomane et très partagée par rapport à son père, dont elle n'est pas proche, est à peine plus qu'une excuse pour empiler quelques idées assez banales sur la paternité.

La relation père-fille permet aussi d'introduire d'autres expérimentations téméraires dans le film, à savoir des scènes qui semblent en partie improvisées. À mi-chemin entre le réalisme cinétique de Thomas Vinterberg dans Festen et l’esthétique de la poésie du quotidien de Carlos Reygadas, les images tournées par Matteo Cocco (sur pellicule) rendent bien et la mornitude, et la beauté émouvante de la campagne italienne, no mans land vide où tout ce qu'on croise semble constamment en suspens, condamné à endurer ce que le tueur en série appelle "cette maladie nommée la vie". Comme le héros de Crime et châtiment de Dostoïevski, Enzo est aux prises avec la question de savoir si le meurtre peut parfois être justifié, et il y perd beaucoup de sa santé mentale.

Malgré ses moments moins convaincants, la série parvient à nous attirer dans ses gouffres sombres, son mystère bien structuré et l'énigme autour d'Enzo invitant à continuer de regarder, même à travers ses doigts. Mais l'aspect le plus séduisant de cette série, c'est son atmosphère, son ambiance déprimante qui se loge dans votre cerveau comme une maladie. Cette expérience courageuse de 279 minutes de durée de la part des frères D’Innocenzo n’est pas entièrement réussie, mais elle vaut bien la plongée.

Dostoïevski a été produit en Italie par Sky Studios. Les ventes internationales de la série sont gérées par NBCUniversal. Elle arrivera dans l'année, divisée en deux parties, dans les cinémas italiens (avec Vision Distribution) avant de jouer sur Sky.

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(Traduit de l'anglais)


Galerie de photo 19/02/2024 : Berlinale 2024 - Dostoevskij

9 photos disponibles ici. Faire glisser vers la gauche ou la droite pour toutes les voir.

Filippo Timi, Gabriel Montesi, Carlotta Gamba, Damiano Fabio D'Innocenzo
© 2024 Dario Caruso for Cineuropa - dario-caruso.fr, @studio.photo.dar, Dario Caruso

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