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TORONTO 2018 Discovery

Critique : Light as Feathers

par 

- TORONTO 2018 : La Néerlandaise Rosanne Pel dévoile son premier long-métrage, un travail impressionnant sur les abus sexuels par manipulation parmi les adolescents, du point de vue du responsable

Critique : Light as Feathers
Eryk Walny et Klaudia Przybylska dans Light as Feathers

Pendant ses études de cinéma, la scénariste et réalisatrice hollandaise Rosanne Pel a tourné quatre courts-métrages suivant les luttes de héros solitaires dans des environnements reculés. Depuis quelques années, elle travaillait sur son premier long-métrage, Light as Feathers [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Rosanne Pel
fiche film
]
. Il vient d'être dévoilé en avant-première mondiale dans la section Discovery du 43e Festival de Toronto.

Dans un village rural au milieu de nulle part, Eryk (Eryk Walny), 15 ans, travaille dans un élevage d'oies et vit avec sa mère, sa grand-mère et son arrière-grand-mère, qui l'ont élevé en l'absence du père. Eryk est très proche de sa jeune père Ewa (Ewa Makula), trop même, car elle le manipule et se sert de lui, créant ainsi une co-dépendance dérangeante de type mère dominante-fils soumis. Eryk étant amoureux de sa voisine de 13 ans, Klaudia (Klaudia Przybylska), mais incapable de discerner entre l'amour et l'abus, il va lui-même se mettre à manipuler Klaudia, physiquement et émotionnellement, la forçant à des actes sexuels. Cela reste un temps secret, mais ce harcèlement apparaît ensuite au grand jour.

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Pel place les relations familiales au cœur de son histoire pour explorer et analyser les racines de la violence sexuelle. Sans faire de Light as Feathers une étude à proprement parler sur les comportements humains, mais en s'appuyant néanmoins sur le travail de la philosophe Hannah Arendt, elle utilise le personnage d'Eryk pour examiner la relation entre châtiment et pardon. L'absence d'une figure paternelle pendant son enfance, le fait d'être entouré par trois femmes dominantes qui l'ont toujours chouchouté, et surtout son complexe subliminal Jocaste/Oedipe avec sa mère pourraient bien être à l'origine de sa personnalité émotionnellement sous-développée. Pel va encore plus loin et explore l'idée que de ce contexte peut aussi naître un prédateur sexuel.

Comme le sujet sensible des abus sexuels est souvent dépeint du point de vue de la victime, la décision téméraire de la réalisatrice de se concentrer sur Eryk et non pas Klaudia donne au film un angle audacieux, risqué, presque provoquant. Dans la mesure où la prémisse du film est que la violence naît et se transmet dans l'environnement familial, Eryk fait figure de coupable et de victime. Cependant, ses actes ne sont en rien justifiés. Il en reste responsable, ainsi que de leurs conséquences. Pour en souligner l'impact mais aussi alléger l'histoire, Pel ajoute quelques touches comiques sporadiques. À travers des scènes quotidiennes, non dépourvues d'humour (avec des clins d'œil à Ulrich Seidl), elle rend compte de la manière dont la vie se poursuit néanmoins, même quand la tragédie frappe. C'est sa réaction à une situation presque absurde : le fait que les abus sexuels puissent un seul instant être considérés comme "monnaie courante" et soient presque "invisibles" dans la vie de tous les jours.

Le film, tourné sur plus de trois ans avec une équipe minimale et des acteurs non-professionnels et débutants, fait l'effet d'un documentaire d'observation fictionnalisé. Grâce aux performances convaincantes et naturelles des jeunes acteurs, et à la manière dont la caméra a su capter de manière réaliste leur puberté, l'histoire prend un tour de plus en plus dramatique au fil du récit. Cet équilibre presque expérimental entre la fiction et la réalité, avec une touche de comédie, pourrait même être considéré comme une manipulation du spectateur, ce qui ajoute encore un niveau supplémentaire à cette œuvre.

Pel livre ici un premier film impressionnant dont l'objectif est d'exorciser les démons. En adhérant à une intrigue tragique archétypique, le film va vers une compréhension qui va s'avérer cathartique, et possiblement une absolution libératrice du responsable. Pour citer Arendt, “le pardon est la clef de l'action et de la liberté".

Light as Feathers a été produit par Floor Onrust pour Family Affair Films (Amsterdam). Les ventes internationales du film sont gérées par la société française WIDE.

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(Traduit de l'anglais)

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