email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

FIDMARSEILLE 2018

Critique : Summerhouse

par 

- Le réalisateur croate Damir Cucic plonge au cœur d’étranges tête-à-tête dans un hôtel désert avec un aveugle enregistrant des témoignages de violence

Critique : Summerhouse

"On peut théoriser tout ce qu’on veut, mais je fais confiance à mon intuition". C’est un très singulier personnage autour duquel gravite le non moins insolite Summerhouse [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, le second long métrage de fiction du Croate Damir Cucic, découvert avec A Letter to My Father [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Damir Cucic
fiche film
]
et cinéaste aimant naviguer à la frontière floue avec le documentaire, un genre qu’il a pratiqué notamment avec The Spirits Diary et Mitch-Diary of a Schizophrenic. Dévoilé en première mondiale dans la compétition internationale du 29e FIDMarseille (du 10 au 16 juillet), son nouvel opus s’articule en effet autour d’un aveugle arpentant un très vaste hôtel impersonnel, niché au milieu de la campagne et vidé par la saison hivernale, pour un voyage dans les fêlures humaines, les traumatismes survenus dans l’enfance. 

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

"J’aime arriver d’une direction inattendue" Au bar de l’hôtel, l’aveugle Vojin, que l’on a vu faire des longueurs dans une piscine intérieure déserte puis tâtonner dans sa chambre pour se sécher les cheveux et s’habiller, rencontre la trentenaire Marina. L’énigmatique début du film voit le duo faire à l’évidence connaissance lors du repas en tête-à-tête solitaire qui s’ensuit dans l’immense salle à manger de l’établissement, comme pétrifiée sous les lumières blanches. Une mise en place qui se précise ensuite avec un face-à-face beaucoup plus intime, dans le calme d’une chambre, Vojin interrogeant Marina sur son enfance et enregistrant la conversation. Petit à petit, c’est une sorte de séance de thérapie qui émerge, la femme révélant par bribes, avec difficulté et aiguillée délicatement par son interlocuteur, les circonstances d’un viol subi dans son adolescence ("j’ai arrêté de crier car je savais que ça ne servait à rien; il y avait du sang sur mes cuisses"). Un récit entrecoupé (ou se superposant) par des séquences de déambulation de l’aveugle dans les couloirs de l’hôtel et des scènes montrant Marina méditative au sauna ou dans sa salle de bains (donc se nettoyant, se "libérant"…) avant qu’elle ne quitte le film et les lieux, remplacé par un autre personnage, un homme qui racontera, de la même manière et après quelques curieux détours, comment un professeur trentenaire l’avait séduit alors qu’il n’avait que 13 ans. Et un troisième témoignage boucle la boucle avec un vieil homme relatant des événements de la Seconde Guerre Mondiale et l’exil volontaire de sa famille afin de travailler en Allemagne, puis à Lublin où ils avaient été transférés ("on nous a donné à gérer un bar-restaurant, Le Sésame, qui appartenait à des Juifs dont on ne savait rien"), à deux pas du camp d’extermination de Majdanek dont le petit garçon de 10 ans qu’il était alors percevait la dimension horrifique aux morceaux de pain foulés aux pieds qu’il tentait de donner aux enfants ukrainiens déportés passant devant chez lui, ses souvenirs culminant en l’aveu d’attouchements sexuels qu’un soldat lui avait imposés.

Très sophistiqué sous son apparente simplicité, composé de plans fixes très travaillés et d’ambiances sonores suggestives, Summerhouse creuse méthodiquement et subtilement les dimensions symboliques du décor et du texte. Intriguant et intéressant, le film met en scène de façon très réaliste une intrigue psychanalytique relativement ténue forant la violence sur l’enfance et qui pourrait s’inscrire pleinement dans le champ du documentaire, mais que le réalisateur malaxe à tel point qu’il est quasiment impossible d’en deviner exactement les tenants et les aboutissants. Une opacité volontaire (le personnage principal enregistre d’ailleurs pour une émission de radio, ce qui n’est jamais réellement explicité dans le film) adroitement infusée qui passe néanmoins par un rythme plutôt lent qu’il faut accepter pour se laisser happer par le charme étrange et ascétique de cette œuvre hybride.

Summerhouse a été produit et est distribué par Spiritus Movens Production.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy