18/04/2018 - Peter Entell présente en avant-première mondiale, au festival Visions du Réel, un portrait intime sur trois femmes partageant la même force extraordinaire, qui vient du ventre de la terre

Trois ans après Comme la rosée au soleil [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film], Peter Entell est de retour au festival Visions du réel (dans la nouvelle section Burning Lights, dédiée à l'expérimentation de nouveaux langages cinématographiques) avec Les Soeurs [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], un film au thème aussi simple que profond : celui des relations entre soeurs. 

Le point de départ de son enquête, sa pierre de touche, sont trois femmes (Shelly, Sian et Linda) qui se sont instinctivement, à travers série d'événements dus à la chance, reconnues comme sœurs, de cœur, de sang, de vie. D'emblée, Les Soeurs sème sur son parcours des tas de petites inconnues qui piquent la curiosité. Pourquoi le film s'ouvre-t-il sur les images d'une joyeuse fête d'anniversaire à l'allure résolument années 80 ? Qui sont les personnes présentes, et surtout qui est la reine de la fête, qui capte tout de suite notre attention ? Au lieu de nous guider, la voix off du réalisateur semble s'amuser à amplifier le mystère, qu'il incombe au spectateur-enquêteur de découvrir. 

Ce qui est certain, c'est que dès l'instant où la personne qu'on fête, Shelly, apparaît à l'écran tout change : l'atmosphère s'illumine, et le rideau se lève sur un clown triste dont on aurait très envie de se rapprocher. Pour ajouter une dose supplémentaire de mystère, Peter Entell suggère, de derrière sa caméra, qu'en réalité il serait préférable de commencer l'histoire au moment de la première rencontre entre Shelly et Linda, en 2011.

Étant entendu cependant que ce n'est pas de cette manière que le réalisateur a décidé de construire son récit : au lieu d'avancer de manière linéaire, c'est plutôt un récit de carrefours. De croisées des chemins ou de choix (faits ou subis) qui vont déterminer les parcours des trois "soeurs" de coeur que Peter Entell nous donne à connaître.

Après l'intimité de la fête d'anniversaire du début, le film nous fait remonter encore davantage dans le temps, jusqu'au petit village suisse où Shelly et Sian se sont connues et où elles ont passé leur enfance. Une question se pose : pourquoi, dans ce petit village bucolique de montagne, tout le monde (ou du moins tous les gens que le réalisateur nous montre) semble parler anglais à la perfection ? Quel lien y a-t-il entre l’Australie, toujours présente dans le récit, et la Suisse, gardienne des souvenirs d'une enfance dorée ? Plus le film avance et plus les petites ombres mystérieuses qui planent sur le personnage de Shelley se multiplient – des ombres qui au lieu d'annoncer une tempête, semblent servir de refuge pour se protéger d'un soleil trop aveuglant. Pour éclaircir ces angles obscurs où les paroles de Shelly ne s'aventurent jamais, Sian et Linda sont là. Elles sont comme les gardiennes d'un monde intime dont elles-mêmes ne connaissent pas tous les secrets. Avec affection et respect, Sian et Linda et le réalisateur lui-même protègent une énigme qui représente l'essance même de Shelly, privée du droit de choisir quel cours donner à sa propre vie.

En partant d'une situation due à une série de circonstances incroyables (une adoption tenue secrète, une sœur dont on ne connaissait pas l'existence, l'amitié merveilleuse et précieuse qui en découle, en quelque sorte), Entell reparcourt à rebours le cours d'histoire extraordinaire. Le résultat est un portrait qui présente trois femmes merveilleuses, complexes, fâchées, combatives et (enfin) libres. Trois femmes échappant à tous les schémas qui semblent tout droit sorties des pages d'un best-seller. 

Les Soeurs a été produit par Show and Tell Films (qui s'occupe aussi des ventes du film), RTS et SRG SSR.

(Traduit de l'italien)