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LOCARNO 2016 Compétition

Coeurs cicatrisés : une invitation à la compassion

par 

- LOCARNO 2016 : Radu Jude présente en compétition la suite d’Aferim!, un film saisissant et émouvant

Coeurs cicatrisés : une invitation à la compassion
Lucian Teodor Rus et Ivana Mladenovic dans Coeurs cicatrisés

Après deux récits contemporains, La Fille la plus heureuse du monde [+lire aussi :
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(2009) et Everybody in Our Family [+lire aussi :
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(2012), Radu Jude s’est affirmé comme un réalisateur de rang européen avec le film historique en noir et blanc remontant au XVIIIème siècle Aferim! [+lire aussi :
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, qui a remporté l’Ours d’argent de la meilleure mise en scène à Berlin l’année dernière. Dans Coeurs cicatrisés [+lire aussi :
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, présenté en compétition au Festival de Locarno, Jude (également scénariste de ses films) saute un siècle pour évoquer une affliction physique, le mal de Pott ou tuberculose vertébrale, un sujet qui lui permet d’aborder sous un angle nouveau le statut social, la santé, la mort et la discrimination.

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Son film, librement inspiré des écrits de Max Blecher, en particulier le roman dont il a repris le titre, a pour personnage central Emanuel (interprété par l’acteur novice Lucian Teodor Rus), dont on fait connaissance au moment où il arrive dans un sanatorium au bord de la mer. Après une consultation avec le médecin de l’établissement (Şerban Pavlu), le diagnostic présenté au jeune homme de vingt ans est terrible : cinq de ses vertèbres ont été détruites par la tuberculose dorsale dont il est atteint. Ce mal peut être soigné, mais le traitement est une torture : Emanuel va devoir passer plusieurs années complètement alité, dans un corset de plâtre. 

Cette situation de départ permet à Radu Jude d’analyser le combat de son héros et son refus de baisser les bras devant la maladie. Tout est-il perdu pour lui ? La mobilité du corps est-elle une condition du bonheur ? Ce que vit Emanuel au sanatorium, ses interactions avec les autres patients et sa réflexion sur la mort, l’amour et l’espoir sont les composantes d’un monde confiné mais captivant où, contre toute attente, tout semble possible.

Alors que dans Aferim!, le statut social permettait de débattre des relations humaines (Carfin n’y est qu’un esclave et Sultana une femme, donc par principe inférieure aux hommes), dans Coeurs cicatrisés, le thème philosophique que Jude explore est la dégradation du corps et l’attitude de l’être humain devant la mort et la guérison. Bien qu’il soit beaucoup moins présent que dans Aferim!, il y a aussi dans Coeurs cicatrisés un propos politique : Emanuel est juif, or dans les années 1930, la Roumanie comme le reste de l’Europe a vu une montée des extrémismes, et en particulier de l’antisémitisme, de sorte que cet autre mal, au-delà de sa tuberculose, fait partie de la vie de notre pauvre héros.

Lucian Teodor Rus est très convaincant dans le rôle d’Emanuel et il trouve une puissante partenaire à l’écran en Ivana Mladenovic, qui joue Solange, une ancienne patiente du sanatorium qui a eu la chance de retrouver une mobilité complète, après des années de souffrance, et dont on imagine volontiers qu’elle représente pour Emanuel le type même de la jeune femme attirante, intelligente et moderne, en plus d’être un symbole d’espoir, la preuve qu’il vaut la peine de souffrir terriblement et d’être contraint pendant des mois à une position horizontale très antinaturelle. C’est ce contraste entre un présent douloureux et un après possiblement heureux qui est au coeur du film de Jude. 

Le film est également brillant sur le plan technique. La caméra de Marius Panduru, aussi immobile que la plupart des patients du sanatorium, contemple l’action d’une manière qui place le spectateur dans la position des patients. Les décors sont également formidables : le film juxtapose habilement les instruments de torture utilisés pour les traitements aux chambres douillettes où ils sont condamnés à vivre pendant des années.

Coeurs cicatrisés a été produit par Hi Film Productions en coproduction avec la société allemande Komplizen Film (Allemagne). Les ventes internationales du film sont assurées par Beta Cinema. Il arrivera sur les écrans roumains à la fin de l’automne. 

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(Traduit de l'anglais)

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