22/03/2024 - Rencontre avec le duo slovaque vainqueur du Co-Pro Pitching Sessions de Séries Mania Forum avec leur projet de série, une histoire vraie autour de l’assassinat d’un journaliste

Produit par Jakub Viktorín et Tomáš Hrubý pour la société slovaque nutprodukcia, Our People sera réalisé par Tereza Nvotová (découverte à Rotterdam Bright Future en 2017 avec Sans jamais le dire [+lire aussi :
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interview : Tereza Nvotová
fiche film] et Léopard d’or Cineasti del presente à Locarno en 2022 avec Nightsiren [+lire aussi :
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fiche film]) qui a écrit le scénario avec Miro Šifra (auteur entre autres de We Have Never Been Modern [+lire aussi :
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fiche film] et de la mini-série Rats). Cineuropa a échangé avec eux à Lille, au lendemain de leur victoire aux Co-Pro Pitching Sessions de Séries Mania Forum.

Cineuropa : Our People est inspiré d’un événement bien réel qui a secoué la société slovaque en 2018. Quand et comment est venue l’idée d’en faire une série ?
Miro Šifra : L’idée initiale est venue d’un producteur tchèque. Nous étions encore en plein dans l’événement et nous ne nous rendions pas vraiment compte à quel point cela pouvait être important pour d’autres pays et que cette histoire méritait d’être racontée avec une perspective plus large. Ce producteur nous a donc approchés pour que nous tentions d’en faire une série. À ce moment là, l’angle du récit était l’espoir car une élection présidentielle venait d’avoir lieu et la nouvelle présidente était une leader anti-corruption. L’idée était de finir la série avec son accession au pouvoir dans un pays qui aurait traversé l’enfer et qui retrouvait l’espoir. Mais quatre ans plus tard, le gouvernement précédent était de retour et c’était même pire qu’avant, donc l’histoire a pris une tonalité complètement différente. Mais c’est encore plus nécessaire de la raconter.

Pour ceux qui ne la connaitrait pas, quelle est l’histoire de Our People ?
Tereza Nvotová : C’est l’histoire du meurtre d’un journaliste (ndlr Ján Kuciak), et ce n’était pas il y a longtemps, mais en 2018. Malheureusement, ce n’est pas le seul journaliste à avoir été assassiné dans le monde à notre époque : il y a une sorte d’épidémie planétaire. Nous avons pris conscience du fait que la vérité est vraiment menacée. L’histoire démarre avec le meurtre, mais elle ne se résume pas à un enquêteur tentant de découvrir qui l’a commis et d’arrêter les auteurs. Car il se rend compte que ce meurtre masque en réalité un crime à beaucoup plus grande échelle d’un système qui dirige tout le pays, d’un gouvernement de contrôle mafieux. Et ce système a même un nom : Our People (Les nôtres). C’est pour cette raison que nous avons choisi ce titre pour la série. Et c’est aussi pour cela, car ce système est revenu au pouvoir, que nous ne pouvons pas trouver de diffuseur en Slovaquie.

À quel point avez-vous été fidèles aux faits réels durant l’écriture ?
T.N. : Nous avons vécu cette histoire, ce n’est pas juste une information que nous avons entendue au passage. Il y a eu d’énormes manifestations, plus importantes même que pendant la Révolution de Velours (1989). Chaque jour apportait son lot de révélations sur les connexions de l’événement avec des oligarques, des parlementaires, etc. Nous avons vécu cette histoire pendant plusieurs années comme beaucoup de Slovaques. Mais en fait, on ne peut pas appréhender clairement une telle masse d’informations à jet continu. On voit les différents points (dont certains redeviennent invisibles avec le temps, sont mis sous le tapis) mais pas l’ensemble, ce qui favorise le retour au pouvoir des "coupables". C’était donc d’autant plus essentiel que nous racontions cette histoire. Nous avons essayé d’être au plus près de la vérité en menant des recherches très approfondies, notamment avec les milliers de pages des dossiers de police, et en étant évidemment aussi en contact étroit avec les parents de Ján et de Martina (ndlr : la compagne du journaliste, assassinée avec lui). Mais aussi véridique que soit la série, c’est de la fiction car le public a besoin d’une histoire claire et de se connecter émotionnellement. Je pense que c’est de cette manière qu’on peut changer intérieurement et ensuite changer les choses autour de soi.

Quels sont les personnages principaux ?
M.Š. : L’histoire est traitée à travers des perspectives variées, mais le personnage principal est l’enquêteur. Et nous ne suivons pas seulement le côté des victimes, mais aussi les tueurs et les donneurs d’ordre, ceci afin de donner un contexte complet.

À quel stade en est le projet ?
T.N. : Nous avons un traitement et un pilote. Nous espérons tourner l’an prochain si nous arrivons à réunir le financement. Bien sûr, notre sélection à Séries Mania et ce prix nous aident beaucoup. Nous devons tirer parti de ce momentum pour nous rapprocher des diffuseurs de toute l’Europe car le sentiment général est qu’il ne s’agit pas d’une histoire locale car elle peut arriver partout. Nous pensions tous que les mafieux étaient devenus des oligarques en col blanc qui n’avaient pas besoin de tuer, qu’ils pouvaient simplement vous détruire financièrement ou d’une autre façon. Mais c’est arrivé et nous nous sommes dits : nous ne sommes pas où nous pensions être, dans un pays occidental sûr. Et malheureusement, c’est un phénomène qui se propage dans le monde occidental actuel.