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Belgique / France

Xavier Seron • Réalisateur de Chiennes de vies

“Le film parle de notre besoin fondamental d’être aimé, et de notre solitude, deux faces d’une même pièce”

par 

- Rencontre avec le cinéaste belge, qui poursuit l’exploration de nos névroses contemporaines à travers la relation singulière qui unissent trois duos d’humains et leur chien

Xavier Seron • Réalisateur de Chiennes de vies

Rencontre avec le cinéaste belge Xavier Seron, de retour au format long 8 ans après Je me tue à le dire [+lire aussi :
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. Avec Chiennes de vies [+lire aussi :
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, qui sort ce mercredi 20 mars en Belgique avec O’Brother, il poursuit l’exploration de nos névroses contemporaines avec un humour caustique et dans un noir et blanc spectaculaire à travers la relation singulière qui unissent trois duos d’humains et leur chien. Une comédie mordante qui donne à voir notre solitude ontologique.

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Cineuropa : Quelles sont les origines de ce projet ?
Xavier Seron :
J’ai grandi avec des chiens, ce sont des révélateurs de notre humanité. Elliott Erwitt, photographe décédé récemment, a beaucoup photographié les chiens, et il disait : "Regardez bien ces photos, ce ne sont pas des chiens, ce sont des gens." Ce prisme me permettait de parler de nous. L’autre déclencheur du film, c’est quand ma productrice m’a appelé pour savoir si j’avais un projet compatible avec l’aide aux productions légères de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui permet, et oblige à tourner des projets de longs métrages en 24 mois. Vu le temps que j’avais mis à monter mon premier film, cette perspective m’a séduit.

Que vouliez-vous que ce rapport aux chiens dise de nos rapports aux humains ?
Il y a celles et ceux qui adorent les chiens, et celles et ceux qui en ont peur. Les deux postures racontent quelque chose. La première, c’est qu’on cherche chez les chiens ce qu’on cherche chez nos semblables : la fidélité, l’absence de jugement, l’écoute, la joie de vivre. Des qualités que les chiens offrent, les humains moins. Mais le chien peut aussi faire peur, on peut le voir comme un vecteur de maladie, ou un chien méchant. Quelque part, ça parle de thèmes qui traversent le film : le besoin fondamental d’être aimé, et notre solitude, qui sont les deux faces d’une même pièce.

C’est une solitude presque ontologique.
Oui, c’est un peu triste, certes, mais mon père me disait tout le temps qu’on serait de toutes façons toujours seuls face à la mort. Ce sont peut-être des généralités, mais je pense qu’on est fondamentalement des êtres sociaux, on cherche le contact des autres, et en même temps, "l’enfer c’est les autres". Comment réconcilier ça ? Parfois, le chien peut devenir un refuge face à ce paradoxe, un compagnon plus facile à vivre. C’est rare qu’un chien te contredise ! Il t’apporte la même affection quelque soit ton statut.

Pourquoi déployer cette réflexion en trois mouvements narratifs ?
J’ai été fasciné par A Touch of Sin de Jia Zhang-ke, je trouvais notamment remarquable qu’à la fin de chaque segment, un personnage nous emmène dans le suivant, comme dans une course relai. Et puis il avait assigné à chaque part du film un genre cinématographique, et je trouvais que c’était un défi super excitant. J’ai voulu faire en sorte que les trois parties soient enchâssées, tout en étant trois chapitres distincts de l’histoire. Et j’ai voulu tenter trois genres : une comédie décalée et déjantée avec une dose d’horrifique, ce que j’avais déjà pu aborder dans mes films précédents ; un conte moral, et une critique sociale que j’avais approchée du bout des doigts ; et puis une comédie romantique un peu plus naturaliste, qui m’éloignait vraiment de ce que j’avais pu faire auparavant. J’ai dû apprivoiser ma crainte de sombrer dans le pathos, que jusqu’ici j’avais toujours désamorcé avec de l’humour. Ici, je voulais laisser entrer l’émotion.

L’humour est un lien entre les trois histoires, un regard sur le monde qui permet de montrer des choses assez dures.
On parle souvent de la politesse du désespoir, c’est encore plus le cas avec l’humour noir, qui parle de choses tragiques, la mort, la maladie, la solitude. La posture face à quelque chose qui nous touche, nous bouleverse, nous angoisse, nous fait sentir impuissant, c’est d’essayer d’en rire sans se moquer, sans déconsidérer la détresse. C’est une manière de se poser des questions, à défaut d’avoir les réponses. L’humour a une dimension thérapeutique pour moi. Le bateau sombre, essayons d’en rire, ça nous aidera au moins à passer le moment de façon moins pénible.

L’autre lien entre les trois chapitres, c’est le noir et blanc.
Le noir et blanc est un ciment entre les histoires, une bulle narrative aussi, qui permet de faire cohabiter des choses très différentes. Et puis mon cinéma est un cinéma de contraste. Pedro Costa disait que le cinéma fonctionne à deux niveaux : c’est d’un côté une abstraction pour le spectateur qui perçoit le monde en couleurs, et pour lequel c’est donc une reconstruction qui crée une distance, un recul et un décalage qui permettent de rire du tragique ; de l’autre côté, le noir et blanc incarne terriblement, Costa parle même de carnation, il donne à ressentir les textures, je trouve ça très organique, très charnel. Ça nous ramène à notre condition de carcasses ambulantes, de tas de viande. Ou pour le dire plus joliment, de fleurs qui fanent au fil du temps.

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