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IFFR 2024 Bright Future

Emilija Gašić • Réalisatrice de 78 Days

“J'aime bien quand les films sont regardables – quand j'ai envie de les revoir et qu'ils ne me brisent pas trop le coeur”

par 

- La réalisatrice serbe fait un voyage dans le temps jusqu'en 1999, mais la question est : qu'est-ce qui est réalité, et qu'est-ce qui est fiction ?

Emilija Gašić • Réalisatrice de 78 Days

Dans son premier long-métrage, 78 Days [+lire aussi :
critique
interview : Emilija Gašić
fiche film
]
, présenté dans la section Bright Future du Festival de Rotterdam, Emilija Gašić remonte le temps jusqu'en 1999, quand les murs des chambres d'ados étaient couverts de posters de No Doubt et Garbage et que l’OTAN bombardait la Serbie. Trois soeurs, restées seules avec leur mère, prennent le caméscope et documentent leur enfance heureuse, mais dehors, les sirènes ne cessent de retentir.

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Cineuropa : Vous parlez de sujets douloureux, et pourtant étrangement, le film rend assez nostalgique. Ayant grandi dans les années 1990, je reconnais beaucoup de choses dans ce que vous montrez.
Emilija Gašić : J’ai grandi dans les années 1990 aussi. On a toujours ce besoin de se retourner sur son enfance. Depuis que j’ai passé les 30 ans, je le sens encore plus. Et puis j'aimais bien toute la culture de l’époque : les cassettes VHS, toutes ces vieilles technologies. Parfois, j’ai l’impression de ne pas être du temps présent [rires]. Pour moi, quand on parle de choses difficiles, il est préférable de faire le genre de film auquel on pourra et voudra revenir. Dans la vie, tout n’est pas sombre, mais tout n’est pas comique non plus.

C’est tellement facile de rejeter un film juste pour son synopsis (les gens font : "Je suis déjà triste en le lisant, alors pourquoi m’infliger ça ?"), mais le vôtre est tellement drôle parfois.
L'idée était simple : nous n’allons pas montrer tout ce qui se passe, puisqu'elles ne filment pas tout le temps. Les choses deviennent "normales" au fil du temps. Elles s’habituent à la situation et à l'époque, nous aussi on s’est habitués, ce qui est bizarre. Quand on est enfant, c’est comme ça qu'on compense : si on avait toujours tout pris au sérieux, on n'aurait pas pu survivre.

Nous avions tous des caméscopes comme ça, mais ils étaient surtout utilisés pour les événements "officiels" comme les vacances ou les anniversaires. Il y avait quelque chose de mis en scène dans ce genre de vidéos. Vos personnages sont plus créatives que cela.
Oui, la caméra devient une quatrième sœur. Je voulais montrer qu'en dépit de tout, il reste d'autres choses qui peuvent vous happer, quand vous êtes enfant ou adolescent. Vous continuez de grandir, même si votre pays est dans cette situation horrible à laquelle vous ne pouvez vraiment rien.

Je me suis beaucoup inspirée de mes propres vidéos de l'époque. Quand on s’ennuie et qu’on a une caméra (on n’avait pas grand-chose à faire, tout de même), on s'en sert encore plus. Avant, comme le disiez, le caméscope était réservé aux événements importants. En parcourant ces archives, j’ai remarqué qu'il y avait là un élément performatif. Maintement, je pense que ça s’est perdu : tout le monde est toujours en train de filmer quelque chose sur son téléphone.

Les sœurs se chamaillent et se brouillent aussi. C’est aussi vraiment une histoire de sœurs.
J’ai toujours voulu parler de trois sœurs, depuis que j’ai commencé à écrire. J’ai deux grandes sœurs, donc je connais très bien cette dynamique. Je n’ai pas vu beaucoup beaucoup de films, surtout en Serbie, qui traitent de la sonorité de cette manière. Avec les comédiennes, nous avons eu un mois de répétitions, de sorte qu'elles ont pu apprendre à se connaître avant.

C’est un cliché de dire que quelque chose joue avec le documentaire et la fiction, mais votre film pourrait vraiment surprendre le public. Ici, la frontière et totalement invisible.
J’adore l’authenticité. De fait, j’étais très "obsessionnelle compulsive" sur la question, je voulais bien m’assurer que ce monde était crédible. Même au niveau des accents, ce que le public international ne pourra pas remarquer. L'idée était de "troubler" le public, qu'il croie que les vidéos sont d'époque et qu'on voyage en arrière dans le temps. Nous avons fait une projection test à New York, où je vis, et oui, beaucoup de gens ont pensé que c’était un documentaire. Ils ont cru que c’était mes cassettes et que la petite fille, c'était moi. Tout est inventé.

Croyez-vous que vous allez continuer de jouer avec les règles du genre, pour établir le vôtre, ou est-ce que c’était juste pour ce film-là, parce que c'était une approche parfaite pour rendre tous ces souvenirs tout en gardant le contrôle ?
Je ne suis pas sûre. Ça faisait plus de dix ans que je voulais faire ce film, depuis que j’ai numérisé mes cassettes vidéo. Je voyais bien qu’il y avait un film dans tout ça, quelque part ; il fallait juste que je le trouve. Je suppose qu'en général, je n'envisage pas le cinéma de manière standard.

Vous expérimentez, mais le film reste très regardable. D’habitude, c’est soit l'un, soit l’autre.
C’est difficile à combiner. Je suis contente que vous le pensiez, car au fond je suppose que c'est ce que veut tout réalisateur : faire un film d'auteur qui puisse plaire à tous. Attention, en tant qu’étudiante, oui, j’adorais Tarkovski. J’ai fait des films composés de plans très longs [rires], mais plus j'avance en âge, plus j'apprécie quand les films sont regardables, comme vous dites, quand ils me donnent envie de les revoir et ne me brisent pas trop le cœur.

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(Traduit de l'anglais)

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