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BIFFF 2022

Véronique Jadin • Réalisatrice de L’Employée du Mois

"Les références en termes de réalisatrices qui font de la comédie, c’est difficile à trouver"

par 

- La réalisatrice belge nous parle sur sa comédie féministe qui emboite les pas d’une employée modèle qui vire tueuse en série

Véronique Jadin • Réalisatrice de L’Employée du Mois

On a profité du Brussels International Fantastic Film Festival pour rencontrer la réalisatrice belge Véronique Jadin, qui y présentait son premier long métrage, L’Employée du Mois [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Véronique Jadin
fiche film
]
, comédie féministe au vitriol sur le patriarcat à l’œuvre dans le monde de l’entreprise, qui emboite les pas d’une employée modèle qui vire tueuse en série.

Cineuropa : Quelles sont les origines de ce projet ?
Véronique Jadin :
Je venais de lire Dirty Weekend, un excellent roman anglais d’Helen Zavahi sur l’histoire d’une jeune femme terrifiée par un homme qui la harcèle, jusqu’à ce qu’un psychologue lui conseille de s’armer d’un couteau. Et tout d’un coup, ça s’est cristallisé, j’avais l’idée du film, comme si tout était là en suspens, et que ce déclic avait tout fait remonter à la surface. Je crois que j’étais prête, que tout ça bouillonnait en moi. J’étais très remontée je crois ! Ça revient surement à quelque chose qui m’avait frappée quand j’ai lu King Kong Théorie où Virginie Despentes raconte qu’en se faisant agresser une nuit, elle espérait secrètement qu’on ne lui vole pas son couteau, au lieu de se dire que son couteau pouvait être une arme. Cela m’a hantée pendant très longtemps. Cela m’a donné l’idée de cette comédie avec un fond politique, l’histoire d’une femme qui se rend compte qu’elle peut avoir un pouvoir sur les évènements, une histoire d’empouvoirement.

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C’est aussi une satire du monde du travail.
Il y avait de lourdes contraintes budgétaires et donc productionnelles, et comme j’ai été assistante réalisatrice, je savais que nous en tenir à un décor unique était une bonne option. J’avais envie de situer le récit dans un bureau, parce que les relations de pouvoir, c’est quelque chose qui me fascine, et que c’est un endroit où se déploient toutes sortes de dominations.

Qui sont vos héroïnes ?
Inès, c’est la fille qui a tout bien fait dans sa vie. Elle est bien coiffée, bien habillée. Une femme qui passe son temps à tout contrôler de son apparence, à toujours vouloir faire bien, toujours vouloir faire plus, sans jamais recevoir la reconnaissance de personne. Inès n’est pas une tueuse, en soi, c’est une gentille. Je voulais que la première mort survienne par hasard. D’ailleurs sa première réaction, c’est de nettoyer la scène de crime, elle est conditionnée.

Le personnage de Mélody, la fille de l’ancienne femme de ménage noire de la boite, est venu assez vite dans l’écriture. Elle vient questionner d’autres enjeux, le racisme latent du monde de l’entreprise, et de notre société. Avec ma co-scénariste Nina Vanspranghe, on trouvait important de montrer qu’Inès aussi est impactée par ses biais racistes, et sexistes aussi d’ailleurs, sans s’en rendre compte.

Comment avez-vous travaillé à pousser les curseurs de la comédie ?
Au niveau des costumes par exemple, au début, j’avais en tête un truc assez gris, ça m’évoquait la vie de bureau, mais mon costumier m’a encouragée à imaginer un tailleur parme pour Inès, ce qui entraîne l’univers du côté de la BD, un truc un peu décalé. On s’en fiche du bon goût, on s’amuse à exagérer. Avec la comédie de toutes façons, il faut pousser les curseurs. C’est marrant, certains journalistes hommes me disent : "Oh la la, ça va un peu loin, c’est un peu caricatural, non ?". Alors que les femmes elles me disent : "Ah oui, je connais ça".

Chez les personnages secondaires, on trouve pas mal de sombres crétins, que mes comédiens ont pris beaucoup de plaisir à interpréter. Ça avait l’air très jouissif pour eux ! Et puis j’étais aussi très heureuse du personnage de Laurence Bibot, une femme méchante, on voulait montrer que le patriarcat avait plein de visages, inclus des visages de femmes.

Le choix de la comédie, c’est un choix osé pour un premier film ?
Au début j’écrivais des choses très sinistres, sur le deuil, la maladie. Mais c’était plus fort que moi, il y avait toujours une petite blague qui surgissait. J’adorerais faire de grandes sagas politiques, peut-être un jour, mais pour l’instant, c’est ça qui prend le dessus. Je pense que ça a à voir avec l’assurance et la légitimité. Dans ma famille, on n’était pas spécialement cinéphiles, mais on regardait beaucoup de comédies. Clairement, être ennuyeux, c’était un crime, la pire chose qu’on puisse faire en tant que cinéaste. Et c’est vrai, c’est important de le dire, la comédie c’est dur à lire, et à écrire. C’est clair que ça a pu être un frein dans les commissions par exemple.

C’est marrant, j’ai repensé l’autre jour à Chantal Akerman et Jeanne Dielman, quand on pense à une histoire de femme serial killer en lutte contre le patriarcat… Mais c’est vrai que les références en termes de réalisatrices qui font de la comédie, c’est difficile à trouver. Pas parce que ça ne les intéresse pas, mais parce que les leviers de production et de financement font que ce n’est pas là qu’on attend les réalisatrices, on les oriente plutôt vers des drames intimes, à la limite des comédies romantiques. Ce qui est amusant (ou pas !) c’est que je fais beaucoup de festivals de films de genre avec ce film, et je me retrouve entourée d’hommes, aussi bien dans l’organisation des festivals que dans les réalisateurs invités et le public. Je ne pensais pas me retrouver là avec une comédie féministe !

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