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Emmanuel Chaumet • Producteur

“Un investissement sur l’avenir“

par 

- Emmanuel Chaumet évoque la ligne éditoriale d’Ecce Films qui produit notamment Bertrand Mandico, Justine Triet, Yves Forgeart et le duo Jonathan Vinel - Caroline Poggi

Emmanuel Chaumet • Producteur

A l’occasion de la sortie nationale des Garçons sauvages [+lire aussi :
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de Bertrand Mandico (révélé à la Semaine de la Critique à Venise), rencontre avec le producteur Emmanuel Chaumet, franc-tireur inspiré de la production indépendante française avec sa société Ecce Films qu’il a fondée en 2003 et qui compte désormais près de 80 courts et longs métrages à son actif.

Cineuropa : Les Garçons sauvages est-il très représentatif de la ligne éditoriale de Ecce Films ?
Emmanuel Chaumet
 : Oui, car c’est un film qui ne ressemble pas beaucoup à d’autres par son sujet, sa mise en scène, ses choix techniques. C’est un prototype et j’aime bien penser que mon métier consiste à fabriquer des prototypes. On dit souvent que le cinéma est dans son ensemble une industrie de prototype, mais en réalité c’est rarement pratiqué. Quand on voit le coffret des César, on ne voit pas beaucoup de prototypes, mais beaucoup de films qui se ressemblent dans les sujets et le ton. Ce n’est pas tant un problème de producteurs qu’un problème d’auteurs. Car un producteur qui voudrait aujourd’hui produire des choses un peu bizarres n’y arriverait pas sur le marché de ce qu’on lui propose. Il y a peu de réalisateurs qui ont l’ambition de faire des films aussi “barrés“ que ceux de Bertrand Mandico, qui ont envie de travailler les effets spéciaux au tournage, de continuer en pellicule, de mixer des récits d’aventures avec un univers de littérature référencé, des éléments qu’on voit dans les bandes dessinées, du “giallo“ italien, etc. Je ne vois pas grand monde en France avec un tel bagage et une telle capacité à nous proposer un univers aussi étrange.

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Comment repérez-vous ces cinéastes originaux comme Bertrand Mandico, Justine Triet, Benoît Forgeard et les autres que vous produisez ? Et comment réussissez-vous à financer leurs films ?
Ce sont des metteurs en scène qui, au stade de leurs films de fin d’études ou de leurs projets non-cinématographiques, ont un univers qui sollicite ma curiosité. Pour le financement, c’est variable. Benoît Forgeard, je n’ai pas bien financé ses courts, ensuite j’ai assez bien financé ses moyen-métrages et j’ai mal financé ses premiers longs, et maintenant avec Yves (article) je suis dans un entre-deux : pas suffisamment financé parce que je ne couvre pas mon coût de fabrication, mais j’ai quand même 2 M€, ce n’est pas rien, c’est quand même beaucoup d’argent. Donc j’y arrive presque. Avec Justine Triet, j’ai financé La Bataille de Solférino [+lire aussi :
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même s’il n’y avait pas de quoi faire dix semaines de tournage, mais par rapport à l’ambition du film, cela allait, puis j’ai très bien financé Victoria [+lire aussi :
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. Pour Les Garçons sauvages, j’ai un énorme trou en fabrication qui est lié au fait que Ciné+ ne m’a pas suivi sur ce film, sans doute parce qu’ils m’avaient déjà suivi la même année sur deux autres films. Et les Sofica n’ont pas complètement adhéré à la proposition. Mais la sortie va être belle, plutôt visible, avec une presse très favorable et le film a déjà une très belle carrière en festivals à l’étranger et en France, y compris dans les manifestations de catégorie 2 qui sont très utiles pour faire des avant-premières et gagner de la notoriété locale, avec des prix à Belfort, à Bordeaux, un passage à Angers, etc. Le risque que je porte en ce moment et qui fait partie de mon métier, est un investissement sur l’avenir car un second long de Bertrand va arriver très vite : After Blue. Il est déjà écrit, ce sera un western, et j’espère que ce sera plus facile en financement pour celui-là. 

Quel serait votre rythme de production idéal ?
J’aimerais bien faire chaque année un ou deux belles coproductions internationales, une activité que j’essaye de développer un peu dans le même esprit qu’en France : proposer un sorte de premier ticket sur la France, pour voir si on peut ensuite aller plus loin, à un ou deux auteurs, des cinéastes que je rencontre dans des festivals, qui ont fait des courts et qui préparent un premier long. En France, j’ai envie de produire trois longs métrages plutôt bien financés tous les deux ans, et continuer à faire chaque année deux longs fauchés. Comme je continue à produire quatre à six courts par an, j’ai chaque année dans ce panier un ou deux cinéastes qui sont armés pour faire leur premier long. Je m’impose de continuer à faire des premiers longs parce que je continue à produire des courts, ou vice-versa. Dans tous les cas, c’est parce que je sais qu’une société comme la mienne ne peut pas espérer obtenir plus d’une fois tous les deux ans un beau France 2 ou un beau Canal+. Donc forcément, si je veux maintenir un volume de production intéressant, car j’aime avoir des films en fabrication, je suis obligé de me dire que je peux faire un ou deux films chaque année dans le marché alors que pour les films fauchés je pars sur d’autres modes de financement : je leur injecte du fonds de soutien, parfois un distributeur ou une Sofica me donnent un petit coup demain, et il y a le crédit d’impôt. L’avantage en France, c’est qu’on peut produire avec trois ou quatre partenaires. Même sans avance sur recettes, avec le crédit d’impôt, Ciné+, un distributeur, une Sofica, on peut obtenir 300 000 à 400 000 si on se débrouille bien : ça ne fait pas un film, mais ce n’est pas loin. 

Les tensions générales sur le financement ne seraient donc pas vraiment problématiques à votre échelle ?
Je ne les ressens pas, si ce n’est que sur Yves de Forgeard, j’ai été chiffré petitement par Canal+, que France Télévisions m’a dit que ce n’était pas imaginable qu’un film comme cela puisse convenir à l’antenne, et que Arte m’a dit qu’il n’y avait que des outsiders en face de moi, alors que c’était André Téchiné et Gaspar Noé… Bonjour les outsiders ! (rires) Du coup, la tension, on la ressent chez Arte, chez France Télévisions et chez Canal, mais dès qu’on sort de ces guichets, ça va. Par exemple, Bêtes Blondes de Maxime Matray et Alexia Walther (article) qui va être une surprise et qui peut avoir une vraie valeur de marché, on l’a fait le crédit d’impôt, du fonds de soutien que j’ai réinvesti, un petit MG distributeur de UFO et 50 000 euros de Ciné+. Tout cela ne fait pas grand chose, mais suffisamment pour se dire qu’on peut y aller et que si dans quelques mois les film est super, tout le monde sera content de se dire qu’il en était car c’est typiquement ce genre de film qui peut créer la surprise en festival. Et j’espère aussi que Jessica Forever du duo Jonathan Vinel - Caroline Poggi (lire la news) aura suffisamment d’écho. 

Ecce Films a la particularité de vendre ses propres productions à l’international, or Jessica Forever sera vendu par MK2 Films ?
Quand on me fait un vrai MG, je suis prêt à réfléchir. Comme je crois beaucoup aux films que je fais, si le marché ne m’offre pas plus que 15 000 – 20 000 euros, je préfère garder le mandat de ventes et embaucher une personne en interne, ce qui me permet aussi stratégiquement d’être plus présent sur les marchés. Si le marché veut prendre, je suis prêt à donner, je ne suis pas jusqu’au-boutiste et borné, mais plus jamais je ne laisserai un mandat quasi gratuitement à un vendeur qui ne fera que m’opposer des frais et ne fera jamais rien remonter. 

Quels sont vos projets à court terme ?
Yves de Benoît Forgeard est en tournage. En post-production, j’ai Jessica Forever, Bêtes Blondes et Rojo de Benjamin Naishtat que je coproduit avec l'Argentine, le Brésil, l'Allemagne et les Pays-Bas et qui est en fin de montage. Je produis aussi actuellement un long métrage fauché, Mens d’Isabelle Prim. Le prochain Mandico sera tourné idéalement au second semestre et je développe Delta de Claire Doyon (un mélodrame en Afrique) et le film d’animation Planète de la franco-japonaise Momoko Seto. J’ai également deux autres projets bien avancés dont je préfère encore ne rien dire par superstition.

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