email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Gianni Amelio • Réalisateur

“Nous avons besoin de tendresse pour vaincre l’angoisse”

par 

- Le cinéaste italien multiprimé Gianni Amelio nous parle de son nouveau film, La tenerezza, présenté en avant-première mondiale au Bif&st de Bari

Gianni Amelio • Réalisateur

La tenerezza [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Gianni Amelio
fiche film
]
(litt. “la tendresse”), de Gianni Amelio, est une histoire de sentiments inquiets, entre parents et enfants, frères et soeurs, maris et femmes, dans une Naples inédite, loin des banlieues, où le bien-être peut tourner à la tragédie et où le flux des immigrants sert de toile de fond quotidienne. Le film a fait son avant-première mondiale le 22 avril dans le cadre du Bif&st de Bari. Il arrive sur les écrans italiens le 24, distribué par 01.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa : Le film s’ouvre et se conclut sur le procès d’un terroriste présumé, mais tout au long du récit, la figure de l’étranger revient, sous différentes formes. Quelle image vouliez-vous en donner ?
Gianni Amelio :
Je voulais représenter l’étranger comme une réalité proche de la nôtre que nous comprenons souvent mal, parce que nous sommes conditionnés ainsi. Dans la scène la plus significative du film, le personnage d’Elio Germano exprime physiquement, par un geste, sa rebellion, quand un vendeur de rue s’approche pour lui proposer un briquet. Il est vrai que dans les cafés, il peut en passer vingt en une heure, des marchands de babioles, et même si on veut les aider, on ne peut être généreux avec tous parce que ce n’est pas juste politiquement, que ça ne résoud pas la question des immigrés dans notre pays et en Europe. Je ne voulais pas dresser un tableau pittoresque de notre société, mais proposer un portrait en profondeur auquel les spectateurs puissent se rapporter comme les personnages. J’ai voulu présenter en parallèle une héroïne (Giovanna Mezzogiorno) qui travaille comme traductrice italien-arabe (et donc qui, étant en contact étroit avec les nouveaux arrivants, a une perception intime de la situation) et notre vie de tous les jours, qui est confrontée à un problème que le monde politique va devoir résoudre d’une manière ou d’une autre.

C’est quoi la tendresse, pour vous ?
Je ne sais pas encore si c’est un sentiment, un geste. Le titre m’est venu quand je réfléchissais au dénouement, à l’obstination d’Elena pour retrouver un geste de son père. Nous avons besoin de tendresse pour vaincre l’angoisse, à présente que nous sommes prisonnier d’un monde où tout peut arriver d’une seconde à l’autre sans qu’on s’y attende. Le parcours que fait Elena tout au long du film est guidé par le besoin de rompre l’attitude fermée de son père et peut-être le guérir – car Lorenzo est un être fragile. Ma référence était Le Voleur de bicyclette, qui a un des plus beaux finals de l’Histoire du cinéma : ce moment où l’enfant, porté par son courage et son instinct, prend la main de son père, qui vient de se faire tabasser.

Ce personnage en souffrance qu’est Lorenzo est interprété par Renato Carpentieri. Comment l’avez-vous choisi, ainsi que le reste de la troupe ?
Cela faisait 27 ans que j’avais envie de refaire un film avec Renato Carpentieri (après Portes ouvertes, ndlr.). C’est pour moi un acteur extraordinaire, et j’aurais envie, dès maintenant, de faire avec lui un film par an pendant les 27 années à venir ! J’ai vraiment eu les acteurs que je voulais. Je crois que si j’ai une grande qualité en tant que metteur en scène, c’est bien d’avoir du flair au niveau des acteurs. C’est un choix fondamental que celui des comédiens, car ce sont les compagnons de route dont on s’entoure qui rendent une expérience très belle, ou infernale. Micaela Ramazzotti et Elio Germano ont créé un dialogue bien au-delà de ce qu’il y avait dans le scénario, comme dans la scène du déjeuner dominical, où il lui donne la becquée sans la regarder, parce qu’il connaît tellement bien le visage de sa femme qu’il n’a pas besoin de vérifier du regard où il avance la petite cuillère. C’est une scène intime de rapprochement des corps qui met Lorenzo dans une position un peu gênante, et que je n’ai pu contrôler, parce que tout est venu des acteurs.

Le film est librement inspiré du roman La tentazione di essere felici (litt. “la tentation d’être heureux”) de Lorenzo Marone. Comment l’avez-vous tranformé ?
Le grand héros du film, Cesare, n’a rien à voir avec Lorenzo. Leurs caractères, surtout, n’ont rien à voir. Dans le livre, Cesare est un provocateur, une espèce de comique de scène. Dans le film, j’ai chargé le personnage d’une inquiétude qui m’appartient et que je partage avec Renato (car nous avons le même âge), une sorte de refus de l’âge qui avance parce que ça me paraît injuste – on devrait pouvoir s’arrêter à un meilleur âge, 45 ans pour les hommes et 35 ans pour les femmes, et y rester toute sa vie, tout en engrangeant la sagesse qui vient avec la maturité. L’idée de vieillir s’accompagne d’une sorte de rejet de la sollicitude des autres, comme celle de la fille qui veut s’assurer que Lorenzo prend bien ses médicaments, parce qu’à moins de le prendre avec ironie, ça veut dire qu’on est vieux, qu’on n’est plus autonome. Ainsi, Lorenzo repasse lui-même ses chemises. Je ne fais pas ça, en revanche je les ai toujours lavées moi-même, et quand je ne le pourrai plus, ça va me mettre un coup.

Le film a donc une dimension autobiographique ?
Il y a toujours quelque chose d’autobiographique dans ce que ne l’est pas explicitement. Quand on annonce qu’une oeuvre est autobiographique, c’est qu’on ment : la vraie autobiographie est un peu transposée, elle met en scène des choses qui ne nous appartiennent pas exactement, mais portent en elles nos peurs et nos fragilités. Les sentiments de Lorenzo ne sont pas les miens, mais ceux que j’associe à un homme de plus de soixante-dix ans par rapport à ses enfants.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy